Il faisait doux ce Vendredi Saint, un ciel voilé enveloppait le quartier de la Reine-Berthe, comme un écrin propice à la méditation. Dans le jardin adjacent à l’église Sainte-Marie, ils étaient environ soixante-dix à s’être rassemblés, en majorité des familles, pour vivre ensemble le chemin de croix. Une traversée symbolique, ponctuée de silences et de chants, pour entrer dans le mystère de la Passion.
Dès les premières stations, installées entre les arbres encore nus du printemps, les enfants ont saisi la gravité du moment. Certaines familles lisaient les textes à voix basse, d'autres suivaient avec recueillement les paroles portées par les animateurs. Un chemin de croix vécu non pas comme une reconstitution dramatique, mais comme une marche intérieure, humble et fraternelle.
Le choix du jardin n’est pas anodin. Il rappelle les oliviers de Gethsémani, l’arrestation dans la nuit, la solitude du Christ. Les pas sur l’herbe, les regards échangés, les questions chuchotées par les plus jeunes à leurs parents : « Pourquoi il porte une croix ? » ou « Est-ce qu’il a eu mal ? »… autant de gestes et de mots qui dessinent une transmission vivante de la foi.
À mi-parcours, la procession a quitté le jardin pour entrer dans l’église. L’ambiance change, la lumière se fait plus tamisée. À l’intérieur, les dernières stations ont été vécues dans un silence plus profond encore. Des adolescents ont pris le relais pour lire les textes méditatifs. Une croix en bois brut, portée tour à tour par des jeunes et des adultes, a rejoint le chœur.
À travers ce moment, chacun est invité à porter ses propres croix, visibles ou invisibles, à les déposer symboliquement au pied de celle du Christ. La douleur, la trahison, l’injustice, la peur, mais aussi l’amour jusqu’au bout, le pardon et l’espérance : autant de thèmes abordés au fil des stations, qui résonnent dans les vies d’aujourd’hui.
Pour beaucoup, ce chemin de croix partagé en communauté est devenu un rendez-vous incontournable du Triduum pascal. « C’est un moment simple, mais très fort », confie une maman venue avec ses trois enfants. « On prend le temps d’expliquer, de montrer que la foi ne se vit pas seulement dans les mots, mais dans les gestes, dans le silence, dans le fait d’être ensemble. »
Le rite s’est achevé devant l’autel dépouillé, dans l’attente du matin de Pâques. Quelques bougies ont été allumées, comme des veilleurs dans la nuit. L’église s’est lentement vidée, chacun repartant un peu transformé, le cœur habité par les images et les paroles du chemin parcouru.