Créer un espace... / Chr. Elmer

L'esprit de vacance

Les vacances, c'est un peu comme la retraite. Des mois ou des décennies avant, on trépigne: "Quand je ne travaillerai plus, je pourrai finalement faire ceci et cela..."

Les vacances, c'est un peu comme la retraite. Des mois ou des décennies avant, on trépigne: "Quand je ne travaillerai plus, je pourrai finalement faire ceci et cela..."

Rythmes du travail et saison des vacances; temps du salaire et moment de la rente. Des périodes bien distinctes, inscrites pourtant au cœur du même laps de temps qui nous est imparti. Nous n'avons pas deux vies. A force de remettre ce que l'on estime être le meilleur ou l'autrement à demain ou au surlendemain, on risque bien de passer à côté de sa vie.
Est-il possible de concilier travail et oisiveté, exigences et libertés, sens du devoir et aspiration à la rêverie ? Faut-il attendre juillet et août pour se sentir exister ? Attendre d'être "vieux" pour s'octroyer de vivre ? Faut-il penser davantage à la mort pour être en mesure d'insuffler une brise plus légère à chacun de nos jours ? Prendre conscience de sa finitude, c'est comprendre que la vie n'attend pas.

L'esprit de vacance dépend moins de ce que l'on fait que de l'état d'esprit dans lequel on accomplit toute activité. Cette disposition intérieure à la "vacance" est un espace ouvert, sacré, au cœur de notre être. Il nous permet, quand on l'habite, de mieux exister. Ce lieu saint nous arrache à l'enlisement, à la macération, à l'aliénation et à l'envahissement. C'est là qu'on se tient avec soi-même. C'est le parloir silencieux où Dieu s'invite. C'est l'atelier où rêves et amours s'esquissent dans l'intime.

L'esprit de vacance, souffle de l'Esprit, ébouriffe la routine, décoiffe tout paramètre, nous fait nous sentir existants, nous qui étions opérationnels. Il nous accouche plus vibrants, virevoltants, nous qui, appliqués et linéaires, savions si bien fonctionner. Enfin, l'esprit de vacance n'a pas besoin de partir à la mer pour être à même d'en inhaler les embruns. Il fait sa grasse matinée quand vous êtes éveillé. Il est l'enfant ancien qui dansait dans les flaques. Il est la poésie revêtant vos lundis du manteau de lumière qui pare vos dimanches.
Peu importe donc où vous passerez vos vacances. Si elles seront brèves ou prolongées. Si vous resterez à la maison ou les passerez à l'hôpital. L'esprit de vacance nous met en état d'évasion permanente. C'est la marque de fabrique de notre humanité désirante. Forçats. Jusqu'à notre dernier souffle. Le jour où je n'aspirerai plus à rien, où j'aurai refermé derrière moi ce refuge intérieur, n'y couvant dès lors plus ni prières ni songes, mon esprit de vacance, libre de tout ici-bas, pourra enfin me quitter. Et s'abandonner.

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