Icône peinte par Elisha, la "Theotokos", la Porteuse de Dieu / ldd

L'icône, école émerveillée du regard

De regards, l'atelier de l'iconographe lausannoise Elisha Joho Monnerat en est plein. Ceux de ses icônes, qui revêtent les parois de leur lumière chamarrée...

De regards, l'atelier de l'iconographe lausannoise Elisha Joho Monnerat en est plein. Ceux de ses icônes, qui revêtent les parois de leur lumière chamarrée...

Ce sont des regards graves, denses, d'outre-Ciel. Pour Elisha, l'art de l'icône est un chemin possible de transformation qui nous convie à un corps-à-corps avec la matière et à une écoute intérieure. " Nous sommes invités à nous laisser être regardés par les saints et, à travers eux, par le Christ. " Regarder en plénitude une icône, c'est accepter une lente mise à nu. Car l'image nous regarde, bien plus que nous ne la regardons. Elle nous envisage, sans jamais dévisager. Il y a vraiment, dans le regard des personnages des icônes, la présence sensible de Dieu. " C'est une école du regard qui nous ouvre à l'émerveillement, la bienveillance et la gratitude. Le cœur de l'icône, c'est le visage et, au centre de ce visage, il y a le regard. Les icônes ont toujours les yeux ouverts", explique Elisha.

"L'oeil est la lampe du corps, nous dit le Christ, Si ton oeil est en bon état, tout ton corps sera éclairé; mais si ton oeil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres." (Mt 6:22-23).

L'icône, voie de sanctification
" Dans la tradition orthodoxe, les icônes sont sacramentelles. Encensées lors de chaque office, tout comme l'assemblée, elles témoignent de la réalité du Royaume et de la Présence vivante du Christ ", poursuit l'iconographe de confession orthodoxe. A travers elles, on salue les personnes qui sont représentées. Véhiculant une réalité biblique, les icônes ont également une fonction catéchétique et servent aussi de support à la prière. Mais à quoi ressemble une belle icône ? " Leur beauté est mise en lien étroit avec la Vérité et la Bonté. Au-delà de l'esthétique, c'est une Beauté qui révèle l'essentiel. Une belle icône est finalement celle qui nous invite à la prière et à la contemplation. "

Un art actuel fondé sur le mystère de l'Incarnation
Le Verbe s'est fait chair. Il est donc possible de représenter le Christ qui s'est incarné et donné à connaître. Par contre, nuance-t-elle, " on ne représente pas Dieu le Père. Il est cependant possible de suggérer symboliquement Sa Présence par une main bénissante." L'icône, bien que figurative, suppose toujours un certain degré d'abstraction. Elle ne se veut pas un portrait de la réalité physique d'un(e) saint(e) ; elle cherche à nous faire aller au-delà des apparences, pour entrer dans la contemplation de la personne sainte, qui, à travers sa posture de vie, participe à la gloire de Dieu et demeure dans le Royaume.

Au-delà des apparences
Dans l'art de l'icône, tout est signifiant et cherche à pointer vers une réalité théologique. De la même manière, chaque étape technique de la création de l'icône est riche d'un sens symbolique. Les Ecritures et la Tradition posent un cadre dans lequel l'iconographe s'exprime. " Comprenons bien, sourit Elisha, que les règles de grammaire ou d'orthographe n'ont jamais empêché les poètes d'être créatifs ".
La question pour chaque icône est : " comment vais-je en offrir une nouvelle interprétation qui soit à la fois actuelle, singulière et fidèle à la Tradition ? " Cela suppose tout un processus, qui peut être vécu comme une véritable voie spirituelle. Contempler la Parole, la laisser nous toucher et observer comment les maîtres qui nous ont précédés l'ont représentée. Puis, peu à peu, laisser émerger une interprétation qui fait sens pour l'incarner dans l'icône et dans notre vie. Un art qui engage l'être dans toutes ses dimensions : du manuel à l'intellectuel, du sensible au théologique, du contemplatif au créatif... En ce sens, l'icône est véritablement au carrefour entre une démarche personnelle et communautaire, en Eglise.

La Porteuse de Dieu
" La Theotokos, la " Porteuse de Dieu " ; Celle dont le sein est plus vaste que les Cieux, me touche tout particulièrement: cette icône témoigne d'un sens profond de la féminité et de la virginité : une dimension d'accueil, d'ouverture et de maternité. Le Verbe ensemence et Marie, terre vierge, accueille, pour ensuite offrir le Fils au monde ", commente-t-elle, émue, en désignant sa Theotokos (voir illustration). " Marie, devenue pur silence, est apte à accueillir la Pure Parole... La virginité de la Mère, pointe vers une qualité de regard ouvert, et non jugeant, posé sur le monde.
Dans l'orthodoxie, la notion de la déification de l'homme nous invite à devenir pleinement qui nous sommes - en Dieu. Et c'est la Vierge, première de cordée, qui nous ouvre ce chemin... "

L'art de l'icône : à la portée de tous ?
Faut-il être doué(e) en dessin ou expérimenté(e) dans la peinture pour s'essayer à l'art de l'icône ? Non, car même si la création d'une icône obéit à des règles et que la technique peut sembler exigeante, c'est à la portée de tous. Peindre une icône, c'est oser se laisser envisager par Dieu et décliner, dans le secret du cœur, à fleur de regard et de pinceau, la palette infinie de Sa Lumière. (CE)

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