Photo: Nathalie Perrot

Quand l'espérance s'avance vers la croix

Entre acclamations et silence, le dimanche des Rameaux ouvre la porte étroite par laquelle le Christ entre dans sa Passion

Sous les airs de fête que portent les rameaux agités dans le vent, le dimanche qui ouvre la Semaine sainte est d’une densité spirituelle rare. Célébré dimanche 13 avril en l'église Sainte-Marie de Bienne et en l'église Notre-Dame de l'Assomption à La Neuveville, le dimanche des Rameaux ne se contente pas de célébrer l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem. Il en dévoile l’envers : l’ombre de la croix qui déjà s’étend.

Chaque année, une semaine avant Pâques, les fidèles se réunissent autour de cette liturgie marquée par le contraste. D’un côté, la joie simple et populaire d’un peuple en liesse, agitant branches d’olivier, de palmier ou de buis, et criant « Hosanna » à celui qu’ils reconnaissent comme roi. De l’autre, le récit de la Passion, d’une intensité dramatique bouleversante, qui vient briser cette allégresse apparente. Dans une même célébration, l’Église fait mémoire d’un enthousiasme fragile et d’une fidélité mise à l’épreuve.

La liturgie s’ouvre souvent à l’extérieur de l’église. Là, dans la lumière du matin, les rameaux sont bénis. Les fidèles, rameaux en main, entonnent des chants et se mettent en marche, en procession, vers le lieu de la messe. Ce geste rappelle le peuple de Jérusalem qui, jadis, s’est levé pour accueillir Jésus sur le chemin. Le mouvement de cette foule, aujourd’hui encore, traduit une foi en marche, une foi qui avance, parfois vacillante, souvent joyeuse, mais toujours en quête du Christ.

Mais une fois la procession achevée, le ton change. L’évangile de la Passion est lu — parfois joué ou chanté — dans son intégralité. Jésus, acclamé une heure plus tôt, est désormais trahi, arrêté, humilié, condamné. Le contraste est saisissant. Cette tension narrative rappelle que la foi chrétienne n’est pas faite d’illusions : elle embrasse la joie et la douleur, la fidélité et les reniements, la gloire et l’abandon.

Les rameaux bénis sont rapportés à la maison, accrochés aux crucifix ou déposés sur les tombes. Ils ne sont pas des grigris. Ils sont des signes. Signes d’une royauté humble, d’une victoire paradoxale, d’un chemin où Dieu ne règne pas par la force mais par l’amour offert jusqu’au bout. Ces rameaux, l’année suivante, seront brûlés pour devenir les cendres du mercredi des Cendres, fermant ainsi le cycle liturgique du Carême.

En ouvrant la Semaine sainte, le dimanche des Rameaux appelle à une fidélité renouvelée. Il ne s’agit pas seulement de suivre un roi, mais de rester à ses côtés dans l’heure de l’épreuve. C’est là toute la portée spirituelle de cette fête : apprendre à marcher avec le Christ, non seulement dans la lumière des acclamations, mais aussi dans la nuit du doute et de la souffrance. Et pressentir, déjà, dans le bois du rameau comme dans celui de la croix, la promesse d’une résurrection.

Céline Latscha

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