La fameuse roue de St-Nicolas

A la découverte de Frère Nicolas...

Le jubilé des 600 ans de la naissance de Nicolas de Flüe offre l'occasion de renouveler la vision sur la vie et l'œuvre de l'ermite du Ranft. L'angelus précédent vous a présenté une interview de cath.ch avec deux abbés, Bernard Schubiger (BS) et Jacques Rime (JR), qui ont assuré la relecture de l'édition française du dernier ouvrage consacré à St-Nicolas. Nous vous proposons ici la suite de ces échanges.

Le jubilé des 600 ans de la naissance de Nicolas de Flüe offre l'occasion de renouveler la vision sur la vie et l'œuvre de l'ermite du Ranft. L'angelus précédent vous a présenté une interview de cath.ch avec deux abbés, Bernard Schubiger (BS) et Jacques Rime (JR), qui ont assuré la relecture de l'édition française du dernier ouvrage consacré à St-Nicolas. Nous vous proposons ici la suite de ces échanges.

A un moment donné, Nicolas ne se sent plus comblée par sa vie familiale et sociale...
JR: Oui. Il vit la dépression à fond. Deux ans avant de quitter sa famille, il décrit déjà son malaise profond. Il avoue que même la compagnie de sa femme et de sa famille lui est pénible. En ce sens, on peut penser que sa femme elle-même lui a conseillé de partir. A ce moment, il ne voit plus de solution. Il vit en famille, mais ne vient pas à la table familiale, se cache pour prier et méditer. C'est une situation anormale. Il ne faut pas avoir une vision trop mélodramatique de ses adieux. En outre, pour Roland Gröbli, les grands enfants de Nicolas n'étaient pas forcément mécontents de voir partir leur père. Ils pouvaient ainsi acquérir leur autonomie et devenir les responsables du domaine.

Comme ermite Nicolas passe l'essentiel de son temps dans la prière et la méditation...
BS: Par rapport à aujourd'hui, on peut souligner que Nicolas est un mystique de l'expérience et non pas du chapeau. Ce n'est pas la recherche intellectuelle qui le conduit à Dieu, mais la médiation dans sa vie quotidienne. Il est proche de l'imitation de Jésus-Christ, de la devotio moderna. On sait d'ailleurs qu'il en a eu connaissance par son confesseur, le curé de Kerns et son ami le curé de Kriens, Heini am Grund. Il est aussi en contact avec les moniales d'Engelberg, reconnu à l'époque comme un haut-lieu mystique.

Nicolas ne sait pourtant ni lire ni écrire !
BS: Pour Nicolas, le langage des images et les visions sont des voies privilégiées pour la rencontre avec Dieu. C'est très parlant pour notre époque totalement saturée d'images. Le langage des images de Nicolas n'est évidemment pas le nôtre. Il faut le décoder. Il est d'ailleurs un peu regrettable qu'il n'existe pratiquement pas d'ouvrages consacrés exclusivement à cette question.
JR: Roland Gröbli dit que l'image de la roue sur le tableau de Nicolas de Flüe (voir illustration) est finalement une représentation très moderne. Dieu y est vu comme une dynamique; le fidèle est pris dans cette relation de la Trinité. Avec les rayons qui partent et qui convergent vers le centre, c'est comme si la création tout entière était inclue dans la Trinité.
BS: Sa fameuse prière "Mein Herr un mein Gott..." résume en trois phrases toute la vie chrétienne. Elle a eu une postérité exceptionnelle. Selon les statistiques de la société de droits d'auteur Suiza, elle est encore aujourd'hui la prière la plus chantée en Suisse alémanique aussi bien chez les protestants que chez les catholiques. Reprise dans le Catéchisme de l'Eglise catholique (no 266), elle y côtoie celle de Thérèse d'Avila "Nada te turbe" (que rien ne te trouble...).

Nicolas vit dans une époque troublée et turbulente, un peu comme la nôtre...
JR: De nombreux conflits agitent les cantons suisses et leurs voisins avec des épisodes de batailles sanglantes. L'histoire a gardé le souvenir de l'expédition de la "Folle vie", en 1477, où des bandes de jeunes de Suisse centrale terrorisent par leurs brigandages et leurs pillages les cités du plateau pour aller exiger de la ville de Genève le paiement des réparations des batailles de Grandson, Morat et Nancy.

Nicolas a donc aussi quelque chose à nous dire de la réconciliation ?
BS: S'il a été un homme de paix, c'est d'abord parce qu'il est réconcilié en tout, avec lui-même, avec Dieu et avec les autres. Lorsque l'on est réconcilié avec soi-même, on n'a plus besoin d'extérioriser sa violence et sa colère. C'est ce qu'exprime le mot allemand 'Mittler' utilisé pour qualifier Nicolas. Il est difficile à traduire, on pourrait dire un homme 'centré'. Cette expression renvoie à sa fameuse image de méditation d'une roue qui tourne autour d'un axe. Dieu est le centre et ce centre est en nous. Cette découverte me semble très actuelle. C'est plus une expérience qu'une théorie. Beaucoup de visiteurs viennent au Ranft pour cela.

Le Ranft est à la fois tout proche de la maison de Nicolas et à l'écart...
JR : C'est très symbolique, d'autant plus qu'étymologiquement Ranft veut dire bordure. Ce que fait Nicolas est une expérience 'limite'. Pour aller au Ranft, il faut descendre, opérer une rupture. Il n'est évidemment pas donné à tous de refaire ce que Nicolas a fait, mais tout le monde peut s'en inspirer. C'est le message des ermites, dans un rapport à la fois d'extériorité et de proximité. (cath.ch/mp)

Les 600 ans de Nicolas de Flue, l'homme, le médiateur, le mystique
Editions du Parvis Hauteville, 2017, 128p. 16.- CHF

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