Le choeur Yaroslavl / photo: Jean-Denis Borel

Angelus : Au choeur du silence...

Spécialisé dans le chant orthodoxe, le choeur Yaroslavl sera en concert le 6 décembre à 17.00 au Temple allemand de Bienne. Rencontre avec son directeur, Yan Greppin.

C'est en 2008 que Yan Greppin, enseignant de philosophie et de géographie à Neuchâtel et passionné de musique, a fondé le chœur Yaroslavl, spécialisé dans le chant orthodoxe. Depuis, cet ensemble s'est fait connaître à travers de nombreux concerts en Suisse et à l'étranger et a sorti deux CD. Le 6 décembre 2015, le chœur Yaroslavl sera en concert à 17.00 au Temple allemand de Bienne pour un répertoire original et joyeux, aux effluves de Noël...

Quelle est la vocation première du chœur Yaroslavl ?
Elle est la même depuis sept ans: permettre au public romand et alémanique de découvrir les richesses, la splendeur et la diversité des chants de la musique russe. La liturgie orthodoxe et la musique des pays de l'Est sont relativement peu connues ici. On connaît surtout certains chants, comme par exemple les Vêpres de Rachmaninov, mais il y a plus du 90% du répertoire qui n'a pas été translittéré, autrement dit traduit dans un alphabet déchiffrable, autre que l'alphabet cyrillique ou grec. Depuis le début, nous nous efforçons de présenter les facettes extraordinaires du chant liturgique des pays de l'Est.

Pourquoi vous être intéressé à cette musique ?
J'ai vécu dans un milieu plutôt athée. Puis j'ai découvert le christianisme et en suis venu à étudier la théologie, plutôt dans la tradition réformée. J'ai développé aussi une sorte de fascination, un peu romantique sans doute, pour la culture russe, notamment sa littérature. Puis j'ai découvert le chant sacré russe et l'orthodoxie de manière plus générale. Mais c'est vraiment la découverte du patrimoine liturgique russe qui m'a finalement encouragé à embrasser l'orthodoxie voici quelques années.

Qu'est-ce qui vous touche le plus dans la tradition orthodoxe ?
Oh ! Beaucoup de choses me touchent, mais je vais peut-être m'en tenir au registre musical. Ce qui frappe le plus, quand on franchit le seuil d'une église orthodoxe, c'est de sentir ce mélange subtil entre le silence et le chant. Dans la liturgie orthodoxe, on est toujours en train de chanter ; le chœur chante, le prêtre répond en chantant, tout comme le diacre, même quand on lit l'Evangile. La liturgie orthodoxe est un grand fleuve musical qui coule. Ce mélange subtil entre musique et silence a véritablement été une révélation pour moi. Les belles compositions liturgiques naissent du silence contemplatif, le desservent, le font vivre et respirer. On sent bien que la majorité des pièces ont été composées dans des monastères.

Peut-on chanter de tels chants si l'on n'est pas habité par la foi ?
Dans notre chœur, pas tous les membres ne se disent croyants. La foi est l'affaire de chacun. Par contre, ce qui est intéressant, c'est que chacun, à sa manière, vit ce silence et en est le témoin. Pour moi, c'est une raison suffisante pour chanter au sein du chœur Yaroslavl. Ce n'est pas un chœur confessant, mais un chœur au service d'une musique liturgique. Quand je dirige ou que je chante, j'aime me mettre au service de quelque chose qui me dépasse.

Quelles sont les particularités principales du chant orthodoxe?
Il y en a plusieurs. J'en retiendrai deux. La 1re, on la trouve dans la tradition byzantine, en Grèce, en Serbie, en Roumanie ou en Bulgarie. C'est une tradition monodique. On ne chante qu'une seule mélodie, que ce soit à plusieurs ou seuls, et éventuellement soutenus par le reste du chœur. Cela crée des compositions assez extraordinaires, pas très connues chez nous. Il y a des solistes d'un côté, des basses de l'autre, qui tiennent une note très longtemps. C'est comme un avant-goût d'éternité; un peu comme les feuilles d'or, dans les icônes. Et puis, 2e spécificité, le chant orthodoxe se chante a capella, sans instruments. Il en est ainsi depuis 2000 ans. Le texte prime sur la musique et tout ce qui doit être dit est exprimé par le chant.

Que nous réservera le concert du 6 décembre à 17.00 au Temple allemand ?
Quelle magnifique acoustique dans cette église ! Nous aurons la joie de chanter la deuxième partie du programme avec le chœur Liniya, composé de jeunes de 10 à 25 ans. Mais en ouverture, nous aurons des œuvres de Sviridov, l'un des monstres sacrés de la musique russe du XXe siècle, qui a composé des choses extraordinaires pour les chœurs a capella. Ensuite, le chœur Liniya nous rejoindra pour des chants de Noël des pays de l'Est. Ce sera un temps festif et joyeux.

Quelle est la composition du chœur Yaroslavl ?
Il comprend 16 chanteurs (4 par registre). La moitié d'entre eux sont des professionnels confirmés, les autres des amateurs très éclairés. Le chœur Yaroslavl, outre ses concerts en Suisse - une quinzaine par année en moyenne - part également tous les deux ans en tournée à l'étranger. Il a également pris part, en septembre dernier, à la Schubertiade, à Bienne.

Est-ce que le chant orthodoxe nous apprend le silence?
Oui. Aussi bien en tant que chanteur que pour le public. Et ce qui est frappant, pour quelqu'un qui vient nous écouter pour la première fois, c'est qu'il n'y a aucun applaudissement durant tout le concert. J'espère que le public pourra vivre un grand moment de contemplation, dans le repos des passions et la quiétude de l'âme. Cette musique a une telle ampleur ! Un mouvement ascensionnel qui élève, aspire; un autre de communion, qui nous pousse vers les autres, et enfin un mouvement de retour vers soi, de recentrement. Avec cette musique, on entre pour ainsi dire dans un autre monde. L'univers du Ciel, de la sainteté peut-être. C'est une sorte de monastère intérieur...

Fréquentez-vous parfois les monastères?
Je me forme régulièrement dans un monastère dans les Pyrénées et mon maître est un moine qui s'appelle Syméon. J'ai à peu près tout appris de lui en matière de chant orthodoxe, au niveau de l'esprit de ces chants. Il a été formé à Athènes, en chant byzantin. C'est important de retourner aux sources, de venir puiser cette eau vive au cœur des monastères car c'est là que le rite orthodoxe s'est forgé et qu'il est le plus vivant.

Propos recueillis par Christiane Elmer

www.yaroslavl.ch

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