De la cendre à la lumière

Dans trois semaines, ce sera Pâques. Le carême, finalement, passe vite. Au moment des Cendres, pourtant, le printemps semble toujours si loin. Le printemps liturgique; celui des fêtes pascales.

Quarante jours durant, chacun, à sa manière, traverse son désert intérieur. Chacun se serre, d'une certaine façon, la ceinture. Referme une bouche qui n'allait pas dire du bien. Se relève, joyeux, puis retombe, avachi, dans la lourdeur de ses limites. En finira-t-on jamais de se remettre debout avant de chuter et rechuter ? Difficile chemin que celui de la conversion.

Non. Faire carême n'est pas facile. C'est un peu se faire violence. Même si on aspirerait, de toutes ses forces, à ne le faire que par Amour. Trois semaines encore. Il reste encore des jours pour peaufiner son âme. La ripoliner. C'est peu et suffisant pour émerger du sépulcre. Pour secouer la poussière de nos cœurs, si lents à l'espérance. Tellement bien enlisés dans leur morne aura. Chaque année on se dit: "l'année prochaine, je ferai mieux". Et - n'est-ce pas touchant ? - chaque année, on y croit ! Tant mieux du reste si l'on y croit. L'espérance va aussi dans ce sens. Croire en nous-mêmes parce qu'Il a cru en nous en premier. Parce que ce n'est pas pour l'éternité que nous mordrons la poussière. Même si c'est à elle que nous retournerons bientôt.

Peut-être un jour parviendrons-nous à vivre des carêmes moins crucifiants. Où nous nous sentirons davantage pèlerins que précoces gisants. Où l'on aura l'impression d'avoir fait du chemin par rapport à avant. De carême en carême on finira bien, sur le tard, par apprendre les infinies nuances, dans la persévérance, du verbe aimer. Forcément.
Allons. Il reste trois semaines pour penser à la cendre. Pour la regarder flotter, légère, à la lisière de l'aube. Pour se rappeler que la route de la conversion prend toute une vie, emprunte plein de carêmes, traverse une multitude de vendredis, saints et moins saints, balafre nos descentes aux enfers, transfigure nos matins blêmes... Chemin fulgurant vers Pâques, de la cendre au salut.

Christiane Elmer

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