Le monastère d'Orbey / Chr. Elmer

Eglise: La plénitude de l'accueil

Ils et elles entendent "jeter des ponts entre un patrimoine multiséculaire et un présent à la fois précaire et incertain. Jeter des ponts entre foi et culture, foi et raison, foi et non foi. Jeter des ponts entre Eglises et sociétés sécularisées." Ils et elles, ce sont les fils et les filles de Saint Dominique qui, depuis 800 ans, écrivent de leur vie l'histoire d'une générosité au service de l'évangile de Jésus-Christ. Rencontre avec les dominicaines du Monastère St-Jean Baptiste d'Unterlinden, à Orbey, en Alsace.

"Il s'agit de prendre appui sur l'histoire pour chercher aujourd'hui, avec les femmes et les hommes de bonne volonté, le Dieu du meilleur de l'homme. Et ainsi, faire ensemble un bout de chemin, comme le souhaite instamment le pape François, pour comprendre et aimer le monde qui nous entoure", peut-on lire sur le site des dominicains. En cette année de la vie consacrée, un petit détour du côté de l'Ordre des Prêcheurs s'impose.

Un Ordre qui fête son 8e centenaire cette année!
Neuf Jurassien(ne)s et deux Biennoises au monastère d'Orbey Du 20 au 22 mars 2015, un groupe de onze personnes, parti du centre St-François de Delémont, s'est rendu chez les moniales dominicaines d'Orbey. Certes, nous aurions pu rester en Suisse et rejoindre le monastère des dominicaines d'Estavayer-le-Lac, mais c'est en Alsace, en France voisine, que le groupe du Jura pastoral est venu se ressourcer avant Pâques. Un temps de retraite consacré à la prière, aux célébrations avec les soeurs, aux échanges fraternels en groupe (partage biblique), au silence et au recueillement personnel. Des jours de ciel sur terre, dans un écrin de verdure et de calme. C'est sœur Jean Thérèse, l'une des dix moniales du monastère, qui nous accueille.
"En 1232, onze ans après la mort de saint Dominique, un monastère de dominicaines est fondé à Colmar, dédié à saint Jean-Baptiste. C'est, à Colmar, l'actuel musée Unterlinden. Les sœurs y ont vécu jusqu'à la Révolution et en ont été expulsées en 1792. En 1899, le monastère a été refondé, à Colmar toujours, par une sœur alsacienne du monastère d'Oullins (Lyon). En 1926, il a été transféré à Logelbach puis, en 1973, ici même, à Orbey-Tannach."

Sœur Jean Thérèse ressemble à un matin de printemps. La Lumière qui la porte transparaît et revêt qui la regarde. "Je suis à Orbey depuis 38 ans et cela fait 37 ans que j'ai pris l'habit. Nous étions alors 18 sœurs ici. Aujourd'hui, nous ne sommes plus que dix." Patiemment, avec douceur et humilité, la religieuse répond aux questions de notre petit groupe. Elle évoque les soucis de relève. Ici comme ailleurs, les moniales vieillissent et, pour les novices, le chemin est long jusqu'à la profession de foi perpétuelle. Six ans en tout cas, voire plus... Chaque monastère est autonome et forme lui-même ses moniales. En France, en comptant l'Ile de la Réunion, nous avons douze monastères de l'Ordre des Prêcheurs."
"Et de quoi vivez-vous?" interroge un Jurassien du groupe. "Essentiellement de l'accueil, dans le cadre de retraites individuelles ou en groupes. Nous recevons aussi des dons et subsistons également, en partie, grâce aux pensions de nos sœurs aînées" répond Sœur Jean Thérèse. "Lorsque nous sommes arrivées à Orbey en 1973, l'accueil marchait très bien. Nous sommes des contemplatives dont l'apostolat, précisément, est voué à l'accueil. A l'époque, on effectuait en plus de petits travaux de sous-traitance." Elle se tait un moment. Dedans, comme dehors, tout est paisible. Un silence immaculé.

"De nos jours, reprend-elle dans un souffle, les choses ont changé. Nous avons toujours des retraitants et il y a bien sûr aussi des groupes, que nous accueillons au chalet, dans la maison voisine. Mais c'est dur de faire tourner tout cela. Et puis, avec l'âge, les travaux de déboisage, la taille des arbres et des buissons, ainsi que le dégagement du chemin deviennent toujours plus lourds..." Sœur Jean Thérèse retient sa respiration, comme embarrassée soudain de cette confidence. "Ma sœur, si nous pouvions trouver quelques bonnes âmes disposées à venir de temps à autre vous donner un coup de main pour débroussailler et mettre en ordre le jardin, ça serait chouette!" s'exclame spontanément un Jurassien du groupe. Sourire gêné de la dominicaine. Approbation enthousiaste du reste du groupe. L'appel est lancé. Faisons confiance à l'Esprit qui, espérons-le, saura insuffler un vent de solidarité!

Priorité à la liturgie
La vie spirituelle intense des dominicaines est ponctuée de tâches nombreuses, incontournables et bien de ce monde: courses, repas, ménage, entretien des chambres, accueil des hôtes, jardin.... "Nous n'avons pas de télévision. Nous sommes abonnés aux journaux "La Croix" et le Journal d'Alsace. De cette façon, on est au courant de l'actualité. Et il y a quelques sœurs qui s'informent aussi sur internet". Au sein des moniales d'Obey, la musique a une place prépondérante. "Nous chantons à trois voix et nous avons des instruments magnifiques: la kora et le kantele. La kora est un instrument de musique à cordes traditionnel africain. C'est une harpe-luth-mandingue jouée au Sénégal, au Mali, en Gambie, Guinée et Sierra Leone. Ce sont normalement les moines qui en jouent. Quant au kantele, c'est un instrument chromatique à 38 cordes, originaire de Finlande. On l'appelle aussi cithare finlandaise". Sœur Jean Thérèse, lors des temps de prière et de célébration à la chapelle, joue indifféremment des deux instruments. Des sons sublimes, séraphiques, ondoyants comme une eau vive. Des vibrations cristallines qui pénètrent l'âme, la comblent, la hissent. L'ennoblissent.

Louange et action de grâce
Communauté de prière et de louange, le monastère Saint Jean-Baptiste d'Unterlinden accueille tous ceux qui désirent prendre du temps pour Dieu, "revenir à leur cœur", partager la prière de la communauté et découvrir ce qu'est une journée rythmée par la prière liturgique. Lors de son bref séjour, le groupe du Jura pastoral a pris part aux laudes du matin, aux eucharisties, aux offices du milieu du jour, aux vêpres et aux complies. Les habitants du village et des environs se joignent aussi parfois aux moniales d'Orbey pour partager les prières ou les célébrations. "Ce n'est pas non plus évident d'avoir tous les jours un prêtre pour l'eucharistie. Mais en principe, on arrive à s'organiser. En janvier, nous avions beaucoup de neige et un prêtre est resté ici. C'était plus pratique pour tout le monde."

La lumière qui baigne la chapelle du monastère d'Orbey est une invitation à l'émerveillement. De la fenêtre, dans le vert vallonné, se love au fond le village. Un rappel, pour les dominicaines, que leurs frères et sœurs ont besoin d'intercession. Dans cette chapelle où la lumière ruisselle et où la grâce abonde, Dieu est présent. "Il est notre force dans le combat spirituel que nous avons tous à mener." Le plus difficile... "On laisse le Christ regarder nos ombres et on le laisse changer nos cœurs. En nous abandonnant totalement à lui, cela rejaillit sur le monde. La contemplation se vit bien sûr dans la prière. Mais elle se réalise aussi tout au long de la journée, à travers les liens noués." A la question d'une Jurassienne: "Avez-vous des doutes?", la religieuse acquiesce. "Je me demande parfois si Dieu m'aime vraiment. Mais on ne peut pas tout comprendre. La foi, c'est aussi la confiance. Lui faire confiance. Et, parce que les moniales ne se choisissent pas, parce que chacune est différente et reste un mystère pour les autres, parce que les relations humaines ne sont jamais simples, la vie communautaire est ce qu'il y a de plus difficile. Cependant, en même temps, la communauté... c'est tout! C'est là où se vit la charité. Lorsque surviennent des disputes, les sœurs les règlent entre elles. Elles se demandent pardon. On dépose aussi tout cela dans la prière."

Les dominicaines ont précédé les dominicains!
En 2015, l'Ordre des Prêcheurs célèbre ses 800 ans. "Mais, entre 1206 et 1207 déjà, saint Dominique avait réuni quelques dames qui avaient failli devenir cathares (ndlr: le catharisme ne s'appuie pas sur une théologie puisqu'il considère que Dieu, inconnaissable et non accessible, est absent de ce monde). L'Ordre a commencé ainsi, avec elles. Les filles de saint Dominique ont donc existé avant la fondation officielle de l'Ordre" conclut Sœur Jean Thérèse dans un grand sourire.

Christiane Elmer

Monastère St-Jean Baptiste d'Unterlinden, Orbey (Alsace) http://www.service-des-moniales.cef.fr/monastere-saint-jean-baptiste-dunterlinden-a-orbey/
dominicaines.orbey@orange.fr

Un Ordre qui fête ses 800 ans
L'Ordre des Prêcheurs est fondé en 1215 par Dominique de Guzman et approuvé par le pape Honorius III en 1216. Il a pour vocation la prédication sous toutes ses formes, par la parole et par l'exemple.L'étude de la philosophie et de la théologie est une exigence forte de la vocation dominicaine. L'Ordre des Prêcheurs appartient aux Ordres mendiants comme les Franciscains, fondés presque conjointement pour réagir contre les corruptions qui avaient atteint l'Eglise au XIIIe siècle.

Dominique de Guzmán (Domingo Núñez de Guzmán)
Il est né vers 1170 en Espagne, dans un milieu aisé, et est mort le 6 août 1221 à Bologne. Fondateur de l'ordre des frères prêcheurs, appelés couramment "dominicains", saint Dominique a été canonisé par l'Eglise en 1234. Depuis le Concile Vatican II, il est fêté le 8 août.

www.dominicains.com

www.dominicains.ch

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