Marc-Olivier Gonseth / Photo Elmer

Entretiens: Sous le sceau du secret...

Le Musée d'ethnographie de Neuchâtel (MEN) sort de ses murs et, jusqu'au 18 octobre 2015, propose une exposition originale et mystérieuse intitulée "Secrets", dans 15 lieux inconnus des visiteurs. Un jeu de piste truffé d'énigmes, de messages codés et de clins d'œil... Rencontre avec le "cachottier en chef", Marc-Olivier Gonseth, conservateur du MEN.

Cette expo est particulière! C'est une sorte de jeu de piste. Quelle en est la démarche?
Il suffit de vous rendre à l'Office du tourisme de Neuchâtel ou au Musée d'ethnographie et on vous remettra un jeu de cartes. On vous fera signer un certificat de confidentialité et vous utiliserez ensuite ces cartes en les introduisant dans une petite machine à composter. Sur chacune d'elles, vous avez un plan et un trou qui vous indique l'emplacement de la prochaine étape. Il y a ainsi quinze endroits différents à découvrir; c'est un Neuchâtel insolite. Et ces lieux forment en quelque sorte une "théorie du secret" puisque vous pouvez mettre bout à bout toutes les choses qu'on vous raconte. On peut effectuer tout le parcours en une seule journée, de 10.00 à 17.00, mais il s'agit de ne pas traîner en route. Je conseillerais plutôt de le faire en deux étapes de trois heures environ. La balade est belle et relativement facile. Le concours est difficile à résoudre, mais la balade est aisée.

A l'heure où tout le monde prône la transparence, pourquoi une exposition sur le secret?
Transparence et secret sont dans un rapport étroit. Un excès de transparence peut mener à l'intolérance et à des sociétés despotiques, tout comme un excès de secrets peut mener à des situations assez calamiteuses en matière de communication. Le tout est de trouver un dosage relativement savant; et chacun de nous a pu faire l'expérience intime de certaines choses, bonnes à dire ou à taire - ou alors à taire un certain temps - , et je crois que chaque humain, dans sa vie aussi bien professionnelle que privée, manie avec beaucoup d'élégance ce rapport à la transparence et au secret.

Tout le monde est concerné?
Oui, parce que c'est bien là l'intérêt de toute notre démarche: nous ne partons pas de l'idée que le secret est quelque chose qui se cache. C'est un mode de communication somme toute paradoxal puisqu'il ne s'agit pas de faire passer le message le plus rapidement possible d'un émetteur à un récepteur. Non. L'idée, c'est de trouver un assez long chemin qui fera passer le secret, lâché par son détenteur, à travers plein de dépositaires qui iront ensuite le chuchoter dans tous les coins. Et il y a de fortes chances que ce secret finisse par arriver à son destinataire, à la personne qui n'était pas supposée savoir de quoi il s'agissait. Et cela, ça nous arrive quotidiennement. Tous les jours, nous découvrons des secrets révélés par d'autres, tandis que d'autres révèlent certains de nos secrets. Soit parce que c'était le moment de les dire, soit parce qu'ils ont fini par être découverts.

La vocation même du secret, c'est donc de s'exposer?
On ne peut pas vivre en société sans une part de secrets, de confidentialité, d'intimisme. Et tout le monde sait qu'on est les premiers à se battre pour notre pré carré, pour avoir droit à cette confidentialité et exiger, en contrepartie, que les autres fassent preuve d'une transparence absolue.

Mais y a-t-il des bons et des mauvais secrets?
Nous avons essayé d'éviter de moraliser la question du secret parce que, en tant que tel, on ne peut pas parler de bon et de mauvais secret. Un secret peut avoir un sens intelligent, intéressant, justifié dans un contexte, mais pas dans un autre. Dans une certaine mesure, il faudrait plutôt dire qu'il y a de bonnes et de mauvaises communications autour du secret. Cependant, à certains moments, il est tout à fait juste et opportun de taire certains secrets.

C'est tout un art, le secret!
Oui. Un art personnel qu'on manie avec beaucoup d'aisance dans notre vie quotidienne. Une transparence totale est impossible. On est aussi confronté à cela dans notre vie professionnelle. Certains faits ne peuvent pas être révélés, au nom de la confidentialité exigée d'un certain nombre de collaborateurs. Cela se vérifie dans différents domaines: économique, juridique, politique, médical, ecclésial, policier...

Qu'en est-il du secret en lien avec l'Eglise?
Pour moi, cela évoque avant tout le secret de la confession. C'est quelque chose qui est considéré comme fondamental par ceux qui servent l'Eglise. Avoir un lieu où n'importe qui peut aller se confier, déposer ce qu'il n'a la force de dire à personne. On propose là un exutoire. Et après, il appartient au prêtre de juger de la possibilité ou non de laisser ce secret en liberté, puisque vous savez certainement qu'un prêtre a également le devoir d'intervenir au cas où le secret qui lui serait révélé mettrait en danger la vie d'autrui. Le secret de la confession, c'est un service assez extraordinaire que l'Eglise catholique offre à ses fidèles!

En conclusion...
Au fil de notre travail, en préparant cette expo, on a découvert que le secret n'est pas là pour être caché, mais pour être découvert. Découvert, certes, mais en laissant du temps à l'enquête. Et aussi en laissant du temps à la confession. Trouver le moment approprié pour énoncer une chose qu'on n'a pas envie de dire ou qui, si elle venait à être dite prématurément, rendrait les choses beaucoup plus difficiles à supporter.

Seriez-vous le grand "cachottier" de cette expo?
Je suis cachottier à ma manière et à mes heures, mais... c'est pour la bonne cause!

Propos recueillis par Christiane Elmer

 

 

 

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