Mgr Felix Gmür / Photo : Pascal Tissier

Etre reconnaissant et miséricordieux

L’évêque diocésain, Mgr Felix Gmür, nous adresse comme chaque année sa lettre pastorale pour le temps du carême. Il y est question de notre identité chrétienne, consistant à faire mémoire et confesser notre foi. Et être plein de gratitude et de miséricorde.

Extraits de la lettre pastorale de l’évêque pour le carême.

Chers frères et sœurs,

Chez nous, il est rouge. Ailleurs, il est bleu ou vert. Chaque fois que nous partons pour un long voyage, nous l'avons sur nous. Celui qui s'en va de son plein gré est souvent fier de l'avoir sur lui. Celui qui est contraint de partir le cache peut-être ou s'en débarrasse. Car il révèle l'origine et l'identité. C'est le passeport. Il atteste que nous sommes Suisses. Allemands, Italiens, Syriens, Australiens, Congolais ou Boliviens... L'identité nationale se concrétiste dans ce document. Avec un nom, une photo, une nationalité. Ce n'est toutefois pas le passeport qui constitue la véritable identité. L'identité naît de la langue, de l'expérience, d'une histoire commune.

Et nous, chrétiens, qui sommes-nous ? Quelle est notre identité ? Si nous avions un passeport chrétien, on y trouverait sûrement le symbole des Apôtres. Celui ou celle qui professe la foi chrétienne déclare publiquement et librement qu'il croit en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. C'est une partie de notre identité chrétienne, notre identité officielle, pourrait-on dire. Elle est de notoriété publique - exactement comme un passeport. Avec un nom et une profession de foi. C'est toujours pareil.

C'est sur cette base que se développe l'autre partie de l'identité d'un chrétien ou d'une chrétienne. Elle apparaît lorsque nous croyons dans notre cœur ce qu'affirme notre bouche, comme nous l'avons entendu dans la lecture de la lettre aux Romains(10,8-13). La profession de foi a des conséquences, sinon elle finit par arriver à échéance, comme un passeport. C'est l'identité qui n'est pas figée une fois pour toutes, mais se renouvelle sans cesse. C'est l'identité vécue. C'est nouveau à chaque fois.

La lecture du livre du Deutéronome (26,4-10) nous donne un exemple. Au commencement, il y a l'expérience, c'est-à-dire l'histoire commune vécue avec Dieu. La petite profession de foi historique du peuple d'Israël repose sur ces fondations. Elle est encore répétée de nos jours, année après année, lors du rite d'action de grâce pour les récoltes. Elle raconte le départ d'un Araméen sans nationalité qui est arrivé en Egypte comme étranger et est devenu un grand peuple. Ce peuple a été maltraité et ses droits n'ont pas été reconnus. Les membres de ce peuple ont alors commencé à crier vers Dieu. Ils l'ont appelé à l'aide. Leur identité devient ainsi plus concrète; elle devient vivante. Avec un nom, une profession de foi, une prière.

Et Dieu ? Dieu entend leur cri. Il voit quelle injustice ils subissent et comment ils s'effondrent sous la charge de travail. Il compatit et ressent leur détresse. Dieu montre de la compassion. Voilà pourquoi il sauve son peuple de cette misère. Il mène les hommes et les femmes vers une vie sans famine, ni soif ni persécutions, ni exploitation. Il les mène dans un pays où coulent le lait et le miel. Un petit paradis sur terre !

Le peuple d'Israël se remémore sans cesse qu'il a été lui-même étranger, socialement déclassé, indésirable et qu'il a finalement été entendu et sauvé par Dieu. Il fait le lien entre la gratitude et la profession de foi en Dieu. Année après année, Israël fait mémoire, rend grâce et professe ainsi son identité de peuple de Dieu sauvé. Avec un nom, une profession de foi, une action de grâce. C'est toujours pareil. C'est nouveau à chaque fois.

Nous le faisons aussi, nous les chrétiens. A chaque célébration de l'eucharistie, qui est une célébration d'action de grâce, nous interprétons notre histoire avec Dieu. Nous sommes là, avec notre nom, nous professons notre foi et nous rendons grâce. Nous nous assurons de notre identité. Avec un nom, une profession de foi, une action de grâce. C'est toujours pareil. C'est nouveau à chaque fois.

Ce n'est pas sans conséquence. La gratitude envers Dieu se manifeste dans la solidarité envers les autres et les étrangers. Se souvenir avec reconnaissance de sa propre histoire est un acte qui contient déjà en lui-même l'appel à défaire les entraves de l'injustice et à respecter les étrangers. Celui qui a lui-même été étranger ne peut pas exclure les étrangers de la fête. Car les étrangers ont part, comme tous les autres, à la vie en abondance.

Nous, les chrétiens, nous croyons en ce Dieu miséricordieux. La confession de notre foi en lui figure dans notre passeport chrétien. L'identité chrétienne vécue est la réponse que nous donnons à notre Dieu qui, à travers toute l'histoire, se montre solidaire des étrangers, des méprisés, des pécheresses et des pécheurs et qui, finalement, s'est fait homme en Jésus-Christ.

En cette Année sainte de la Miséricorde, j'ai la chance de visiter des lieux dans lesquels des hommes et des femmes professent notre identité chrétienne de manière variée. C'est ici que vit la miséricorde de Dieu. C'est là que des personnes sont soutenues, que des défavorisés sont intégrés, que des marginaux sont remis au centre. C'est là que la misère des étrangers touche les cœurs.

Pour que le passeport n'arrive pas à échéance et conserve sa validité, nous avons à nous assurer sans cesse de notre identité chrétienne. Elle est notre origine, notre histoire, notre présent, notre avenir. Soyons donc attentifs aux mots avec lesquels nous construisons notre identité, attentifs aux faits et aux noms qu'ils portent.
Je nous souhaite, à nous tous et toutes, le souffle qui nous permet de vivre et d'affermir notre identité chrétienne, à voix forte ou peut-être à voix basse. Que Dieu soit pour cela notre force ! Bien à vous !

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