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"La miséricorde, c'est quand Dieu prend sur lui la misère !"

La miséricorde, c'est quoi ? En cette Année Sainte qui y est consacrée, il est bon de s'interroger. Il y a la miséricorde divine, bien sûr, mais aussi celle que avons les uns envers les autres, la miséricorde envers nous-mêmes, bien conscients que nous sommes de nos fragilités, de nos limites. La Trinité, elle aussi, nous y invite sans cesse. Et ce thème nous renvoie bien entendu à des notions telles que le péché et le pardon. De passage à Genève pour une session de formation, la sœur dominicaine Anne Lécu, médecin généraliste à la prison de Fleury-Mérogis, en Île-de-France, a confié au Courrier pastoral de Genève le quotidien de sa mission bien particulière et la manière dont celle-ci a influencé sa vie spirituelle.

 Au fil de cette année, les différentes facettes de la miséricorde vous seront présentées. Découvrez déjà quelques témoignages (dont celui-ci) sur: http://www.misericorde-cath.ch/  

Comment avez-vous décidé " d'aller en prison "?
Là aussi, c'est assez mystérieux. Je cherchais un travail salarié lorsque j'étais jeune sœur, à temps partiel afin de faire en même temps de la théologie. La vraie question n'est pas pourquoi on y va un jour, car nul ne peut dire à l'avance si il supportera ou non ce type d'univers. La vraie question, c'est pourquoi j'y reste. Et j'y reste parce que j'aime travailler auprès des personnes détenues. Elles sont souvent très agréables avec nous. Nous découvrons en travaillant là, que ce sont des personnes comme nous qui un jour ont basculé pour mille raisons qui pourraient aussi nous arriver. Certains ont eu des enfances très dures, d'autres ont fait de mauvaises rencontres. Qui peut dire de quoi demain sera fait?

Vous avez dit que la prison, ainsi que la maladie que vous côtoyez, vous ont fait lire l'Evangile avec des yeux neufs...
Je suis assez convaincue que nos formes de jugements et les jugements de Dieu n'ont pas grand-chose à voir. La justice des hommes est nécessaire pour éviter la vengeance. C'est une heureuse médiation pour permettre la vie commune. N'ayons pas peur de tout livrer à notre Dieu, même nos rancœurs, même notre haine. Mais la justice de Dieu est autre. Jésus Christ choisit d'être jugé par les hommes, alors qu'il est innocent. Il choisit de se tenir du côté des coupables pour que plus jamais un coupable ne soit laissé seul. Il choisit même d'être confondu avec les coupables. Il en meurt. Voilà pourquoi il sauve le monde: il reste au milieu du monde, au cœur du pire, pour être véritablement " Dieu avec nous ", même quand nous ne nous en sentons pas dignes.

Pour vous, l'amour et l'espérance ne sont pas des sentiments mais des actes...
La charité est un acte en ce sens qu'elle est possible même lorsqu'on n'éprouve pas de sentiment. Le respect, c'est la décision de laisser l'autre vivre même si je ne l'aime pas, même s'il me dégoûte. Il se peut même que le respect, un jour, ouvre à une amitié que l'on aurait crue impossible. Pour la foi, c'est pareil. C'est bien parce que nous voulons croire, malgré tout, malgré nos doutes, que nous sommes croyants. Le doute fait partie intégrante de la foi. Aristote disait que le courage n'existe que quand on a peur, sinon, n'avoir peur de rien, ce serait de la témérité et non du courage. La foi véritable, comme le disait Thérèse de Lisieux, c'est vouloir croire, même quand on n'éprouve pas la présence de Dieu. La miséricorde, c'est quand Dieu prend sur lui la misère. Enfin, l'espérance chrétienne, c'est se tenir devant un tombeau, comme Marie de Magdala. Elle veille devant un tombeau plein, et voilà que le lendemain le tombeau est vide. L'espérance se tient devant un tel vide, sans filet.

Quelle est la signification pour vous de l'appel du pape François " à être témoin véridique de la miséricorde "?
La miséricorde, c'est quand Dieu prend sur lui la misère. Il ne se penche pas vers l'homme comme un riche se penche sur un pauvre. Il vient partager nos vies. Etre témoin de cette miséricorde, qui est à la fois une fidélité à ce que l'on croit important et une sensibilité aux troubles du monde, c'est - comme le disait Etty Hillesum (1914-1943) -, "veiller sur Dieu en nous". Il s'est fait pauvre au point que nous avons à veiller sur lui. Protéger Dieu en nous, entre nous, c'est encore une fois tenter de vivre d'un surcroît de bonté. Cette bonté peut arrêter la haine, résister à l'accusation et à la tentation de rejeter la faute sur l'autre. C'est pourquoi le pape insiste sur les œuvres de miséricorde. Car la miséricorde tisse et retisse le lien entre nous. Elle est un baume sur nos relations difficiles. Supplions Dieu qu'il nous aide à vivre ensemble!

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