La première place

Quelle est-elle, cette première place ? Une place de choix, comme au théâtre, au stade ou au concert ? Les premières loges, en somme.

Là d'où l'on voit mieux, entend mieux, s'imprègne mieux de l'ambiance et de l'action. Pourtant, quand on est enfant, à l'école, on préfère les bancs du fond. De là, on nous voit moins, nous entend moins, et le risque est moindre d'être repéré par le prof. A l'église aussi, du reste, on s'installe plutôt à l'arrière. Ou au milieu. Rarement tout devant. Aux premiers bancs, on est trop exposé, trop démuni, trop isolé aussi. Etonnant tout de même parce que, contrairement à l'école où l'on n'avait pas très envie d'être dans la ligne de mire de la maîtresse, avec Monsieur le curé, on ne risque rien. Ce n'est pas lui qui nous fera répéter l'homélie pour voir si l'on était attentif...

Un peu de sérieux, Christiane. Reprends ta place. Pas la première, pas la dernière. Juste la tienne. Mais où est-elle ? Une question qui, immanquablement, en amène une autre: quelle place ont les autres dans ma vie ? Qui occupe la première, qui sont les viennent-ensuite ? On ne se pose jamais ce genre de questions.
On devrait.

On devrait parce que Dieu nous invite à lui accorder la priorité. A le faire passer avant tout le reste. Le faisons-nous ? Non, bien sûr. Ou alors, si mal et de façon si sporadique. Dans les limites qui nous sont données, nous nous contentons de rectifier le tir, toujours dans le réajustement, toujours dans le déplacement de la foi. On se décale un peu, on s'aligne, refait un écart, se ressaisit... En fluctuation perpétuelle. A tel point que la notion d'un Dieu à la fidélité inébranlable nous échappe totalement. Mais comment pourrions-nous concevoir pareille fidélité, pareille confiance, pareil Amour ? Donc, sans comprendre vraiment, il nous reste à l'admettre complètement: la première place, elle lui revient. Evidemment. Lui dont le Fils - pour nous - a assumé la dernière.

Mais si Dieu est à la première place, où est-il donc ? Aux cieux, nous dit le Notre Père. Aux abonnés absents, ironiseront d'autres. Là où nos lépreux d'aujourd'hui parcourent le monde, clame notre époque. Partout où déferlent toutes sortes de pauvretés, celles du dedans et du dehors. Celles de l'étranger et les miennes. Dieu n'est pas uniquement à mettre à la première place. Il est à vivre au centre. Au centre des Ecritures et des temps, au centre de chacune et chacun. Au centre de toute relation qui se noue et se dénoue. Douteriez-vous de le rencontrer - aussi - dans vos larmes, Lui qui vous a créé(e) pour la Joie ?

Aide-nous, Seigneur, à travers toutes nos histoires, nos parcours, nos expériences, nos éclatements, de l'aurore au crépuscule, à te restituer ta place. A t'octroyer la primauté. A t'aimer Toi, d'abord, par-dessus tout, en tous et en tout. A t'aimer vraiment, pas comme on s'attacherait intellectuellement à une sainte théorie, à un devoir soutenu ou à une noble abstraction. Sans sensiblerie, dans l'intelligence du sentiment. Oui ! Apprends-nous à te choisir, à n'aspirer qu'à toi, à te suivre, te bénir, te reconnaître et te proclamer, ici et en tous lieux. En moi et en tout autre. A faire en sorte, mon Aimé, que personne n'usurpe ta place. C'est à moi d'y veiller, de me réajuster et veiller encore.

Aide-nous à t'aimer ici-bas un peu déjà à la manière du Ciel, quand on aura traversé la mort et que, pleinement donnés, on pourra te saisir et t'accueillir enfin, en vérité. Cheminer dans la foi, c'est vivre une conversion constante. C'est sans cesse tenter de remettre le Christ à la place qui lui sied. Et quelle est-elle, cette place ? C'est celle qu'il nous prépare, à nous, les derniers. N'avons-nous pas pour vocation la première place en son Royaume ? Hallelujah !

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