Jeff Roux (2013) / Chr. Elmer

La prison, lieu de miséricorde par excellence

"Je ne regarde pas l'acte commis mais la personne", annonce d'emblée Jeff Roux, l'aumônier catholique des prisons du diocèse de Sion. Il fait part à cath.ch de son expérience de la miséricorde vécue parmi les prisonniers et les jeunes adultes du Centre éducatif fermé de Pramont (CEP).

 Jeff Roux, vous dites que la prison est le lieu de la miséricorde par excellence...
On y trouve des gens qui ont parfois commis le pire, c'est là qu'un chemin peut se créer. Il est très important d'y d'être présent. La prison est aussi un lieu prophétique, puisqu'on y rencontre toutes les cultures et toutes les religions. Les prisonniers doivent y trouver un chemin de "vivre ensemble". Je dois, moi, trouver des chemins qui disent Dieu. Si je pouvais enregistrer ce qui se passe dans nos rencontres et faire écouter à mes paroissiens ce qui se vit en une demi-heure d'entretien, cela pourrait apporter une telle lumière! C'est de l'ordre de l'Esprit! C'est très fort.

Lorsque ces personnes se confient, comment parvenez-vous à faire abstraction de leurs actes?
J'y arrive parce que je sais que, moi aussi, je suis capable du pire. Tant que l'on n'a pas senti en nous cette capacité de haine ou de violence, et donc qu'on est un pécheur pardonné, je ne pense pas qu'on puisse se mettre librement à l'écoute de l'autre.

Quelle est votre démarche?
Je ne regarde pas l'acte mais la personne. Si elle ne parle pas de ce qu'elle a fait, je n'aborde pas le sujet. Je repars de là où elle en est dans sa vie, sans l'enfermer dans ses actes. A partir de là, un chemin est possible. On sait que certains ne sortiront pas de prison, tant les actes qu'ils ont commis sont graves et tant ils sont dangereux pour la société. Il ne s'agit pas de dire "ils sont tous gentils, il faut les libérer". Le but est de trouver un chemin qui leur redonne leur dignité. Cela peut être un chemin carcéral, de semi-liberté mais cela relève de la justice, ce dont je ne m'occupe pas.

Parvient-on à trouver Dieu en prison?
Lorsque je vais en prison, je me dis qu'il y a une présence: Jésus s'identifie au prisonnier. Je vais en prison comme lors de la visitation de Marie à Elisabeth. Je ne me situe pas au-dessus de la personne, je la visite. Il n'y a pas toujours une rencontre, on ne parle pas toujours de cœur à cœur. Lorsque la personne s'ouvre et parvient à dire ses sentiments, ses blessures, ses hontes et même les actes qu'elle a commis, elle doit être accueillie. Voilà la miséricorde qui me fait dire: "Malgré tout ce que tu as fait, tu es aimé. Cet amour va permettre de t'élever et d'avoir confiance en toi. A partir du moment où tu auras retrouvé cette confiance, tu auras retrouvé ton visage d'homme, tu pourras vivre à nouveau ". A travers ces personnes, je vois agir la miséricorde de Dieu: des hommes complètement ratatinés, défigurés, reprennent vie peu à peu. Ils trouvent la confiance et une étincelle de vie. Je dois trouver des chemins qui disent Dieu.

De quoi parlent les prisonniers?
On va directement à l'essentiel et à l'intime. Chaque rencontre est unique. Je m'adapte à chaque situation personnelle. En prison, il n'y a pas de masque. En paroisse, et cela me désespère parfois, on tourne autour du pot, on fait des gags, on ne parle pas de ce qui nous habite réellement. Au parloir, c'est direct. C'est très fort. Je peux passer les 20 minutes que dure un entretien sans prononcer un mot. Le régime de la prison préventive est très dur. Les détenus sont enfermés 23 heures par jour et n'ont pas de contact avec l'extérieur. Ils peuvent attendre jusqu'à deux ans sous ce régime avant d'être jugés.

Les prisonniers demandent-ils le pardon?
Cela arrive. Les catholiques demandent un prêtre pour une confession... Dans le fond, ils se confessent, et tout le temps! Ils confessent leur vie. Ce n'est pas une confession sacramentelle mais c'est de l'ordre du pardon. Mon rôle d'aumônier est de leur exprimer la miséricorde de Dieu: leur dire que Dieu est présent dans ce qu'ils vivent. Leur dire aussi qu'ils sont déjà pardonnés. La grâce de la confession passe aussi par là. Le plus important pour eux est d'arriver à recréer le lien avec Dieu dans leur cœur.

Vous leur apportez Dieu?
Non, je leur révèle sa présence qui est déjà dans le cœur de chacun. Je vais creuser la source avec eux pour le découvrir. C'est un chemin qui est possible. Un des rôles de l'aumônerie est de montrer cette proximité de Dieu dans leur vie, ma présence n'est pas sacramentelle mais elle révèle la présence de Dieu à leur côté, même s'il est parfois nécessaire de le leur révéler. (cath.ch-apic/bh)

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