Luc Aerens, pédagogue des religions, diacre et homme de scène... / Chr. Elmer

Le goût de Dieu !

Le diacre belge Luc Aerens, pédagogue des religions, auteur et comédien, a animé une session de formation en septembre, destinée aux agents pastoraux du Jura pastoral. Il y a été question de la mission catéchétique de l'Eglise vécue dans toute la pastorale. Rencontre avec le sémillant Luc Aerens qui, dans ses propos et sa gestuelle, conjugue à merveille humour et Amour de Dieu.

Luc Aerens, nous sommes en 2016. De nos jours, qui évangélise qui ?
Je crois que l'évangélisation, c'est vraiment la responsabilité de tous les baptisés et, certainement, de tous les baptisés confirmés, qui confirment leur baptême. Lorsque le Christ demande que le monde soit transformé, non pas spécifiquement grâce à des connaissances approfondies, mais surtout par l'amour, la tendresse et le pardon; c'est un travail, une mission qui nous incombe, que nous pouvons toutes et tous réaliser, de mille façons.

Comment, par exemple ?
Par les choses simples de la vie. Déjà au sein de la vie de famille. Si des parents désirent évangéliser leur famille, autrement dit la vivre d'une manière chrétienne, et qu'ils sont incapables de se mettre à l'écoute de leurs enfants et manquent de tendresse entre eux, et bien, il est clair que le projet chrétien proposé risque bien, au cœur de tant d'incohérences, d'être très mal perçu. Au contraire, avec des parents écoutants et pardonnants, qui cultivent toutes les vertus qu'on essaie vaguement de mettre en place dans une famille - dans le milieu professionnel aussi -, même sans parler explicitement de Jésus-Christ, en tâchant simplement de vivre à la manière du Christ, alors on est vraiment dans l'évangélisation de base. Tout chrétien, qu'il soit engagé socialement, politiquement ou ailleurs peut influencer cette manière d'être dans le monde. Et quand l'éventualité se présente et que, par bon sens, on estime que c'est le bon moment, et que c'est bon, beau et vrai, alors on peut tenir un discours plus explicite sur le plan de la foi, surtout s'il y a une demande de la part des gens.

Mais comment parler de Dieu dans ce monde de plus en plus déchristianisé, pluriculturel et plurireligieux ?
Dans ces dimensions plurielles, il y a plein de possibilités humanistes de se retrouver. Prenons nos frères juifs, nos frères musulmans, dans le mouvement œcuménique entre chrétiens, ou encore les personnes qui ont une spiritualité asiatique, ou qui ne confessent aucune religion, il y a un humanisme qui peut être commun à tous: la recherche de la profondeur, de la beauté, de l'harmonie, le fait d'être heureux; il y a des fondements qu'on peut partager avec presque tout l'ensemble des humains. C'est la vie commune avec des tendances, des partages d'idéaux. C'est se mettre à l'écoute de ce que l'autre peut nous apporter et le lui signifier. Oui, c'est tout cela qui fait qu'il y a une base commune dans ce monde en grande partie déchristianisé et plurireligieux. Le Coran, le Talmud, la Torah, d'autres sagesses, peuvent vraiment soit correspondre à des choses que nous vivons sur le plan chrétien, soit venir l'enrichir. Dans le domaine du pluri-convictionnel, la question n'est pas de vouloir à tout prix que l'autre se convertisse à nous, mais qu'on se convertisse ensemble à un humanisme qui est, finalement, le rêve de Dieu.

Dans un monde en perpétuel changement, l'évangélisation doit aussi changer, s'adapter à ce monde...
Tout à fait. Et de diverses manières. Par les médias, d'autres types de rencontres, par tous les canaux de communication... On a vraiment un éventail énorme. Il y a des sites chrétiens qui sont visités par des foules de gens; même par des jeunes, qui peuvent surfer sans qu'on les surprenne, surtout s'ils n'ont pas trop envie de montrer qu'ils sont intéressés par des sujets d'Eglise... On peut profiter de ce que 2016 nous donne comme possibilités.

Et, à part les médias, quelle voie peut encore emprunter l'évangélisation ?
J'allais y venir: l'autre possibilité, c'est le cheminement et le contact personnel avec quelqu'un qui vit quelque chose de difficile. Ce peut être suite à un divorce, une maladie, un décès ou même lors d'un moment de joie; ce sont là évidemment des moments privilégiés. Il faut voir, de manière rénovée, comment des structures peuvent nous aider. Ainsi Jean Paul II a initié les Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ), une structure ecclésiale, événementielle, totalement nouvelle. Les JMJ ou les rencontres de Taizé rassemblent des foules de jeunes qui n'iront pas forcément à la messe tous les dimanches, ou qui ne feront pas partie d'une équipe de caté quelconque. Eux, habitués à n'être à l'église qu'avec des tout-petits ou des "croulants", peuvent vraiment vivre quelque chose de grand, entre jeunes d'une même génération. Cet événementiel-là, tellement fort, tellement partagé, peut nourrir leur vie pour toute une période. C'est l'un des vecteurs neufs qui nous sont proposés.

Proposer Dieu, c'est merveilleux. Mais comment passer de la connaissance à l'amour ?
On n'a pas prise là-dessus puisqu'on est dans une relation. Et une relation se situe toujours entre deux personnes. Ici, entre Dieu et la créature humaine. L'amour du Christ peut se proposer par "contagion". Si quelqu'un voit un autre qui en vit, cela peut poser question et, un jour, un déclic peut se faire. C'est là que personne n'a de prise, sauf l'Esprit Saint et la liberté de chacun. Le fait de voir d'autres qui sont heureux de leur foi, de leur relation à Dieu, tout en restant inscrits dans leur vie quotidienne - Dieu, ce n'est pas uniquement pour des grands mystiques qui vivraient retirés du monde - ça peut donner envie ! Ou alors par des récits; une sorte de contagion par procuration, en somme. A travers le récit de la vie de quelqu'un, de ce qui s'est passé, à travers des récits de grands saints, de la vie de l'Eglise, ou du quotidien... Car il y a des gens extraordinaires, qui font un bien fou autour d'eux, qui se mettent au service des autres, dans leur quartier, leur école, leur boulot, et dont on ne parlera jamais dans les médias ! Le récit et le témoignage peuvent susciter l'amour. Et donner le goût de Dieu.

Propos recueillis par Christiane Elmer

Luc Aerens, c'est aussi un homme de théâtre. Depuis plus de trente ans, il écrit des pièces et monte lui-même sur scène... Il sera dans notre région à fin avril 2017 avec sa troupe ! Plus d'infos en temps voulu !

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