L’édition 2023 de la Semaine des Religions a proposé une palette de rencontres, dont la Journée interreligieuse du vendredi 10 novembre 2023.
La rencontre s’est déroulée au centre paroissial de St-Nicolas. Un lieu à point nommé puisque Bruder Klaus, ou Frère Nicolas, saint patron de la Suisse, a toujours prôné la paix. Près de 80 personnes, venues de divers horizons culturels, religieux et confessionnels, ont participé à cette journée autour du thème « Les religions au service de la paix ». Un sujet éminemment actuel, incontournable et sensible. Thème que les détracteurs de toute religion pourraient même juger provocateur. Conjuguer paix et religions, vraiment ? Au vu de l’actualité où l’on ne peut que déplorer une escalade des affrontements dans plusieurs parties du monde, on pourrait en douter…
C’est pour en débattre que cette rencontre interreligieuse a été organisée par différentes Eglises, mouvements religieux et associations : la Table ronde des religions de Bienne, Iras Cotis, les Eglises réformées Berne-Jura-Soleure, la paroisse catholique romaine de Bienne et environs, Tasamouh (islam), Iskon (Hare Krishna), la Fédération pour la Paix Universelle, Gurdwara Sahib (Sikhs) et la Société Suisse de l’assistance spirituelle (SSA). Soutenue par la Ville de Bienne, cette Journée a également bénéficié du soutien de nombreuses autres communautés et institutions de Bienne et du Canton. C’est grâce à cet apport collectif que ce vaste dialogue autour des religions et de la paix a pu se concrétiser et porter du fruit. Entre les exposés, ateliers et impulsions musicales ont invité à la créativité et au dialogue. Partout, les échanges ont fusé autour de l’amour et du pardon, garants de cette paix, véritable et durable, qui devrait être ferment de cohésion au sein des religions. « Celles-ci ont pour vocation première de relier à Dieu, à soi et aux autres, a rappelé d’emblée l’animatrice Chantal Chételat Komagata. Au lieu de se fixer sur nos divergences apparentes, sur nos préjugés et nos peurs, considérons l’essentiel, qui nous réunit : l’amour, le pardon et la paix. Car, même s’ils sont décrits ou abordés autrement dans les différentes traditions, ne sont-ils pas constitutifs de tous les textes sacrés ? »
Pas de paix sans paix sociale
Les interventions de personnes issues des milieux religieux, scientifiques, politiques et de la société civile ont mis l’accent sur l’enjeu principal du religieux : servir la paix. Une paix qui ne saurait se concevoir sans justice sociale, sans respect des valeurs ni lieux d’accueil adéquats favorisant le dialogue, l’information et la formation. Multiculturalité, pluralité religieuse, parcours difficiles, entre un ailleurs et un ici…De quoi engendrer des inégalités de chances. De quoi, légitimement, se sentir défavorisé et démuni. Tels sont les défis humains et sociaux de notre temps. On le voit bien : promouvoir la paix, au sein des religions, dans toute leurs particularités et complexité, n’est possible que si l’on met tout en œuvre pour éviter la discrimination, l’injustice politique et sociale, ainsi que toute forme de violence. Le maintien de la paix, envers soi, les autres et le monde, est plus facile si l’on se sent en sécurité, écouté, respecté et reconnu dans ce que l’on est. Sinon, la violence risque bien de devenir l’unique réponse – la seule envisageable – à un sentiment profond d’injustice. Le conflit trouve son origine dans la conviction tenace d’être victime d’exclusion ou d’impuissance. S’appuyant sur ses travaux, Angela Ullmann, médiatrice et assistante en études interreligieuses à l’Université de Berne, a rappelé que la religion est d’abord « un système de références visant à amener de l’ordre au cœur du chaos. Il y a des tensions qui dégénèrent en conflits religieux, d’autres sont en lien avec l’identité religieuse ; et d’autres encore n’ont rien de religieux. On constate que la moitié des conflits armés comportent une dimension religieuse. » La cohabitation, sur un territoire restreint, d’une kyrielle de religions et communautés constitue un terrain explosif. Ignorance des populations, pauvreté, terreur, crise humanitaire, instrumentalisation politique, doctrines fallacieuses… Les raisons expliquant un conflit sont toujours plurifactorielles.
Se rencontrer, se connaître et dialoguer
Avec l’arrivée de personnes d’autres cultures et religions se sont développés les groupes, réseaux et plates-formes de dialogue interreligieux. En Suisse, répondant à un réel besoin, ils sont nombreux, étatisés ou privés, à proposer des rencontres aux personnes issues de la migration. On veille à mettre toutes les traditions religieuses sur un pied d’égalité, attentifs à s’enrichir des différences de l’autre et à ne pas proposer une intégration « accommodante », qui ne ferait que bonne figure. La stratégie d’intégration préconisée emprunte la voie de la connaissance de l’autre, du dialogue, de l’adéquation sociale, des projets communs, ainsi que celle d’une représentativité et visibilité auprès des autorités locales.
Même si, hélas, les religions n’ont pas le pouvoir d’empêcher les guerres, cultiver en soi des valeurs telles que l’amour et le pardon, vécus en vérité, diffuse un plus de paix en ce monde. Et, même si ça ne se voit pas, il vaut la peine d’y croire.
Et de croire.
Christiane Elmer