L'évêque diocésain, Mgr Felix Gmür, en dialogue avec des paroissiens albanais / migratio

Miséricordieux envers migrants et réfugiés

Dimanche 13 novembre 2016, nous célébrerons le Dimanche des Peuples. En cette Année de la Miséricorde, migrants et réfugiés nous interpellent tout particulièrement. Voilà pourquoi le Pape François a souhaité que cette Journée leur soit pleinement consacrée. Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion et responsable des évêques suisses pour les migrants, nous adresse ce message à cette occasion.

Chers frères et sœurs,

L'Année de la Miséricorde est une grâce pour l'Eglise et pour le monde. Elle s'est ouverte au moment où, dans les cathédrales du monde, d'autres portes ont été désignées du nom de "saintes". C'était une semaine après que le Pape François ait inauguré officiellement l'Année Sainte de la Miséricorde, ouvrant la porte sainte de la basilique St Pierre de Rome. Il faut signaler ici un détail qui pourrait bien être davantage qu'un détail. A la surprise générale, le Pape en voyage en Afrique a ouvert la toute première porte sainte au flanc de la cathédrale de Bangui en Centrafrique. C'était au cours d'un voyage qu'il faisait 10 jours avant l'ouverture officielle de l'Année dans l'Eglise universelle. Ce geste a une forte portée symbolique. La Centrafrique est déchirée depuis plus de deux ans par de violents conflits. Avoir choisi de déposer en cette terre africaine la semence de la Miséricorde c'était annoncer par le geste, l'Espérance qui l'habitait.
François est familier de ces gestes qui en disent plus long qu'un long discours. Il proclamait ainsi à la face du monde que si cette semence pouvait porter du fruit dans ce lieu elle ferait fleurir beaucoup d'autres déserts humains; elle ouvrirait une porte d'espérance dans de nombreux territoires de tension, de violence, d'injustice; elle serait à même de réveiller la conscience de tous les hommes de bonne volonté. Ainsi tant de portes ouvertes sous toutes les latitudes, après celles de Bangui et de Rome, ont ce point commun: elles invitent les pèlerins de la Miséricorde à en franchir le seuil, et cela tout au long de cette Année jubilaire.

Le passage de la porte indique nettement le franchissement d'une étape. La porte marque une frontière entre le dehors et le dedans. C'est aussi l'articulation entre deux mondes. La symbolique de la porte-frontière trouve son sens chrétien le plus fort dans la déclaration de Jésus lui-même: "Je suis la Porte des brebis, celui qui entrera par moi sera sauvé" (Jn 10, 7.9). Il s'agit ici du passage incontournable par la personne de Jésus pour être sauvé. Y a-t-il un seul être humain qui s'y refuserait? Y a-t-il une seule situation humaine de faiblesse, de fragilité ou de perdition qui ne tende à une issue heureuse?

La Miséricorde tout au long de l'Année jubilaire est sollicitée, implorée, offerte, demandée ou reçue de mille manières. En quoi, sous l'angle de la Miséricorde, les migrants peuvent-ils nous interpeller ? Le Pape François, très sensible à la difficile condition des réfugiés s'est engagé, une fois encore, à leur donner une place dans la démarche de la Miséricorde. Cette place finalement, c'est chacun de nous qui est appelé à la préparer, dans son esprit, dans son cœur, dans sa réflexion et dans sa maison. Les flux migratoires sont une réalité qui ne peut nous laisser indifférents. Mais comment se situer face à ce phénomène qui pose beaucoup de questions. Certaines voix se lèvent régulièrement pour accuser ceux qui s'engagent en faveur d'un accueil ouvert des réfugiés, de naïveté! Bien sûr que les solutions dépassent les réponses individuelles spontanées. Les états, les sociétés, les Eglises devront mettre en place des programmes qui tiennent compte des multiples causes des migrations et qui permettent de prévoir les changements que produit l'arrivée de migrants et de réfugiés dans nos sociétés.

Préparons donc un terrain favorable à ces frères, en faisant en sorte qu'ils ne se coupent pas de leurs racines. "En ce moment de l'histoire de l'humanité, fortement caractérisée par les migrations, la question de l'identité n'est pas une question d'une importance secondaire. Celui qui migre, en effet, est contraint de modifier certains aspects qui définissent sa personne et, même s'il ne le veut pas, force celui qui l'accueille à changer".
Chercher à donner du travail à des migrants par souci de les intégrer et d'établir avec eux de justes rapports est autre chose que de voir en eux une main d'œuvre bon marché!
Chercher à intégrer des réfugiés en visant à un enrichissement réciproque est autre chose que de spéculer sur leurs apports à notre vie locale. L'accueil est un "donner" et un "recevoir".
Chercher le bien de l'autre est une manière de prévenir le risque de ghettos, de discrimination, de xénophobie.
Chercher à accueillir de façon désintéressée les réfugiés, c'est aussi faire en sorte qu'ils puissent repartir chez eux, quand les temps seront devenus meilleurs. Il faut que notre accueil les aide à gagner en confiance et fasse grandir l'espérance.
Chercher à aller à la rencontre de l'autre, c'est travailler à "la culture de la rencontre" et permettre de surmonter les préjugés et les peurs.

La tradition biblique fait de l'accueil de l'étranger un des chemins privilégiés de la rencontre avec Dieu. "Voici que je me tiens à la porte et que je frappe". Et aussi "J'étais étranger et tu m'as accueilli." Oui, accueillir l'autre c'est donc accueillir Dieu. Et rien moins que cela ! Sur le linteau des portes de la Miséricorde sont inscrites, en lettre de feu, ces paroles bibliques. Pourrons-nous en franchir le seuil sans que nous revienne au cœur cet Evangile de la Miséricorde, comme une invitation à reconnaître dans tout visage le visage-même de notre Dieu. Ce sera Miséricorde que de lui ouvrir la porte de notre cœur.

+ Jean-Marie Lovey

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