Bernard Litzler, directeur de Cath-Info à Lausanne / Photo Chr. Elmer

Non à la suppression des émissions religieuses !

Restrictions budgétaires obligent: à mi-novembre 2015, la direction de la RTS informait les deux directeurs des institutions Cath-Info et Médias-pro que, en 2017, trois émissions religieuses - 2 émissions radio et une émission TV - allaient disparaître de la grille des programmes. Le point avec Bernard Litzler, directeur de Cath-Info à Lausanne.

Quelles sont ces émissions religieuses vouées à disparaître en 2017 ?
Ce sont, pour la radio: "Hautes Fréquences", le dimanche soir à 19.00 sur la Première, "A vue d'esprit", sur Espace 2, actuellement entre 16.30 et 17.00 tous les après-midis de la semaine et, à la TV: "Faut pas croire", une demi-heure d'émission. Evidemment, cette nouvelle nous a surpris. Elle était totalement inattendue. La RTS est contrainte de faire de fortes économies et nous ne mésestimons pas ces raisons. Cependant, en tant que responsables des émissions de RTSreligion, nous estimons que cette mesure est totalement disproportionnée. Nous avons actuellement une convention entre l'Eglise réformée, l'Eglise catholique et la RTS. Cette convention court jusqu'à la fin de l'année 2016 et doit de toute façon être renouvelée pour 2017. Donc nous sommes dans une phase de renégociation tout à fait normale. La direction de la RTS n'a peut-être pas totalement perçu quelle était la portée des mesures annoncées. Certainement qu'en regardant uniquement les chiffres d'audience ou les coûts de ces émissions, elle s'est dit: "on va pouvoir tailler là". Mais nous ne comprenons pas bien cette mesure dans le sens où nous représentons actuellement 7h10 de programme par semaine, radio - TV confondus, et que nous devons, sur cette petite tranche de programme, supporter 10% des économies...

Une pétition a été aussitôt lancée pour soutenir RTSreligion !
Oui, nous en sommes à 23'000 signatures. Des personnalités politiques et du monde universitaire, tout comme des spécialistes des religions se sont mobilisés également pour constituer une sorte de comité de soutien. La décision de la RTS crée un choc considérable dans l'opinion publique. Un impact émotionnel très fort. Il y a à la fois le public fidèle à nos émissions, qui nous connaît, qui connaît les journalistes. Mais, de manière générale, c'est toute la dimension religieuse de la personne qui, tout à coup, émerge en disant: "Le service public doit assurer une présence du religieux". C'est d'ailleurs dans la concession de la SSR; il y est précisé en toutes lettres que les programmes doivent favoriser la compréhension entre les religions. On a donc l'impression qu'on va tout à coup diminuer cette part de compréhension, de présence du religieux sur les ondes radio-TV. Et cela, c'est extrêmement grave.

Gilles Pache, directeur de la RTS, prétend qu'on pourra aborder le religieux dans le cadre de l'info générale...
De toute façon, l'info générale aborde déjà le religieux. Nous n'avons pas l'exclusivité du traitement du religieux. Il est évident que si un événement se passe à Rome, à Jérusalem... la rédaction de l'information va s'en emparer et en parler. Par l'abandon de ces trois émissions, il y a aussi un appauvrissement au niveau du service public. Si la présence du religieux se limite à offrir des débats, comme par exemple entre Oskar Freysinger et Nicolas Blancho, on sera plutôt dans l'échange d'arguments, voire la chamaillerie, mais on ne sera pas dans le traitement du religieux ou la compréhension du fait religieux. Donc, bien sûr que le religieux continuera d'exister sur les ondes, mais nous, nous apportions une plus-value, et c'est cette plus-value-là qui risque de disparaître !

Dans ce monde violent et en pleine radicalisation, les émissions religieuses ont toute leur pertinence...
Oui. L'actualité d'aujourd'hui montre qu'il faut avoir une approche claire, intelligente et sensée du religieux. Evidemment, il y a des tensions dans les différentes perceptions du religieux; le religieux est facteur de divisions, de guerres... Je crois fondamentalement que le religieux a d'abord une dimension de pacification de l'homme, mais la religion est bien sûr instrumentalisée dans des tas de pays et, en même temps, nous sommes encore - en Occident et particulièrement en Suisse romande - dans une fonction où le religieux gêne encore. Il y a une vision de la laïcité, voire du laïcisme, selon laquelle il faudrait éradiquer le religieux de tous les lieux. On le voit très bien avec des histoires de crèches qui, tout à coup, paraissent choquantes lorsqu'on les monte devant un bâtiment municipal... C'est clair qu'on est, nous, dans une défense du religieux; une défense pacifiste, qui cherche à comprendre; une approche du religieux non militante parce qu'on sait que les extrémismes, qu'ils soient politiques, religieux ou autres, ont aujourd'hui, hélas, le vent en poupe.

"La "minute œcuménique", à la radio, date de 1964. Depuis, les émissions religieuses se sont constamment développées. Quelle est leur vocation ?
Elles ont pour but d'informer clairement, d'ouvrir à cette dimension religieuse. Elles s'adressent à la fois à un public de fidèles - si je puis employer ce terme - où elles rejoignent des gens qui adhèrent au message des Eglises et sont dans une démarche religieuse en général, mais elles ont également une fonction pédagogique et didactique. On le perçoit très bien lorsqu'on regarde la liste des signataires de la pétition ! On y trouve de nombreux enseignants, aussi bien primaires qu'universitaires, parfaitement conscients que si le service public RTS supprime ces émissions, il y aura une dimension en moins. La dimension religieuse est à prendre en compte; sinon, le service public risque fort de se réduire à une sorte de service d'information et de divertissement.

Propos recueillis par Christiane Elmer

 

 

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