Vivre, c'est risquer. Mais miser sur la confiance / Chr. Elmer

Osons l'Evangile !

L'abbé Bernard Miserez, de Bulle, a donné une conférence avant l'été à La Neuveville sur le thème "La Joie de l'Evangile". Mais quelle est-elle, cette joie ? Est-elle à la portée de tout un chacun ?

L'abbé Bernard Miserez, de Bulle, est venu à La Neuveville en mai pour donner une conférence sur le thème "La Joie de l'Evangile". Mais quelle est-elle, cette joie ?

La vraie joie de l'Evangile, c'est la joie qui est promise. Ce n'est pas une joie mondaine. Elle est donnée à chacun de nous et ne dépend de rien, d'aucun besoin, d'aucun sentiment triste ou heureux; elle est simplement là car elle signifie une Présence. Il y a, en nous, plus grand que nous.

Comment reconnaître cette joie?
On ne se crée pas soi-même. On n'est pas capables de faire sa personnalité tout seul. Comme dit le philosophe Levinas: pour aller de moi à moi, je dois passer par toi. La joie nous invite à prendre le risque de nous recevoir, de nous accueillir tels que nous sommes et de faire de notre vie un chef-d'œuvre. Quand Dieu crée l'homme et la femme, il vit que tout cela était très bon. Il y a en nous quelque chose qui est semblable à Dieu, image de Dieu. Et même si on a eu dans notre vie des ratés, des impasses, et bien, le courage d'aller vers la vérité qui nous habite nous fait voir la vraie joie. C'est au bout de ce risque-là qu'elle se dévoile.

Le plaisir, la plupart d'entre nous le connaît et le prend souvent pour du bonheur. Aurions-nous peur du bonheur, de cette joie profonde dont vous parlez ?
Je pense que la plupart méconnaissent cette joie. Ils ont l'impression qu'il faut l'acquérir comme un bien. Mais on part souvent dans l'illusion quand on cherche des bonheurs éphémères, quand on croit que nos besoins quotidiens peuvent être comblés par des objets ou des personnes. Il y a quelque chose en nous qui aspire toujours à plus et à posséder plus. C'est la marque de fabrique de notre humanité; on tombe dans le piège de la convoitise, certains que ça nous rendra heureux. Or la joie, c'est l'apprentissage du décentrement et de la désappropriation de soi. Je pense à quelqu'un qu'on connaît tous bien: saint François d'Assise. Il a expliqué à frère Léon que la vraie joie, c'est quand on arrive de nuit, par une pluie battante, qu'on frappe à la porte d'un couvent et que les frères, ne nous reconnaissant pas, nous traitent comme des bandits et nous frappent à coups de bâtons. Voilà, la vraie joie. Cela veut dire que cette joie n'est pas perturbable, pas saisissable, mais donne de faire l'expérience de la vraie humanité et, finalement, est signe de la vraie liberté. Cette joie est de l'ordre de l'aventure.

Mais qui dit aventure, dit aussi risques, doutes...
Cette joie nous fait nous rencontrer nous-mêmes. De nos jours, il y a beaucoup de gens qui doutent car on a placé la barre haut au niveau économique, sociétal, éducatif... On nous a présenté des modèles qui peuvent sembler inaccessibles. Et on a l'impression que cette société réduit l'homme à un héros, une légende. C'est cela qui fait que la joie est tronquée. Alors que ce que nous propose la joie de l'Evangile, c'est de s'accueillir, tels que l'on est. Ce que je suis, c'est de l'ordre... du don de Dieu. Nous sommes vivants pour vivre comme Dieu, comme Jésus. Si mon histoire est conditionnée par une société qui vient mettre en doute qui je suis parce que je ne corresponds pas aux attentes du monde et de mes contemporains, je risque de passer à côté de la joie. La vraie question, c'est d'oser prendre la route qui nous fait aller dans les recoins de notre histoire les plus reculés et savoir que c'est là que retentissent la joie et l'Evangile.

Et cette joie se niche et rayonne même dans nos blessures ?
Bien sûr. Elle vient comme les transfigurer. La joie n'est pas l'opium qui ferait que la vie serait plus facile. Mais parce que cette joie est en moi, je sais qu'il y a en moi de l'invincible, de l'éternel. Et cela peut s'appeler Dieu ou comme on veut. Cette joie est d'ordre spirituel. Je ne peux pas la fabriquer à ma mesure. Je dois l'accueillir et la laisser faire son chemin en moi. La puissance de cette joie a pour but de nous humaniser.

Pour trouver cette joie, suffit-il de lire l'Evangile ?
L'Evangile n'est pas une recette. C'est Quelqu'un, c'est un visage. Un visage d'homme, celui de Jésus de Nazareth, qui nous a dit qui est Dieu. A toutes les pages de cet Evangile, j'entends Jésus me dire: "Lève-toi, prends ton grabat et marche. Va, avance au large et jette tes filets !" C'est une invitation à se risquer.

L'Evangile, c'est notre vie ?
Oui. Et c'est vrai aussi que notre vie trouve sa pleine stature dans l'Evangile. Notre vraie stature, c'est le Christ. Il y a donc en nous une vraie dimension éternelle et divine. Nous avons été créés pour la joie. L'aventure de tout humain, c'est l'aventure d'un risque sur une parole de confiance. Et c'est précisément la confiance qui va nous mener vers la joie. Confiance en soi-même, dans les autres, en Dieu si je suis croyant, ou confiance en une transcendance. C'est tout risquer à partir de l'Autre et pour l'autre.

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