Depuis septembre 2014, peut-on déjà parler d'un succès pour ce Jubilé?
Oui et nous sommes heureusement surpris. Ce n'était pas très connu jusqu'ici. Mais on a joui de la bienveillance des visiteurs et, peu à peu des paroisses et des groupes de jeunes viennent ici en pèlerinage. Dans nos prévisions, on comptait sur environ une soixantaine de personnes par jour, et bien là, on en a une moyenne de 80!
Qu'est-ce que tout cela représente pour vous, qui êtes Père Abbé de l'Abbaye de St-Maurice?
J'ai eu la chance de tomber au bon moment! J'ai surtout rencontré beaucoup de bienveillance à notre encontre de la part des autorités. C'est un événement qu'il faut marquer et c'est vrai que ce n'est pas rien, dans un monde où tout change constamment. A St-Maurice, on a vraiment l'impression d'une stabilité, d'une continuité. Dans la simplicité. Nous prions régulièrement. Quatre fois par jour nous sommes au chœur pour la prière. Le matin à 6.15, à midi pour un petit office, pour les vêpres et la messe du soir, puis encore à Complies, à 20.00. Et ceci depuis 15 siècles. Pour tous les jours que Dieu a faits. C'est ce qui fait la trame de la continuité.
Quelle est l'importance de St-Maurice pour la chrétienté?
C'est intéressant de voir ce qui s'est passé ici, au nord des Alpes. On a conservé de nombreux vestiges de l'époque romaine. C'était un lieu religieux. Un siècle après le martyre de St-Maurice et ses compagnons, vers l'an 280, on a construit une première église pour y déposer les ossements des martyrs. Et, depuis là, on peut lire l'histoire de l'Eglise, au nord des Alpes, à travers les fouilles archéologiques. C'est intéressant pour l'histoire de l'expansion du christianisme puisque, à chaque fois, on a agrandi les églises.
Accourt-on du monde entier pour découvrir ces reliques?
Du monde entier, c'est peut-être beaucoup dire. Mais c'est vrai que nous sommes sur le parcours de la Via Francigena, qui relie Canterbury à Rome. St-Maurice se trouve environ à mi-chemin. J'ai moi-même fait ce trajet à pied avec des pèlerins. A pied jusqu'à Rome. Puis à pied jusqu'à Canterbury. St-Maurice commence à gagner en notoriété et cela décharge un peu la Via Compostella. J'ai du reste été étonné de voir arriver ici des Scandinaves, des Australiens...
Et qu'en est-il du temps, de l'énergie et de l'argent investis?
Nous avons eu trois gros chantiers. Le principal chantier - celui de l'archéologie - a duré dix-huit ans. Les instances fédérales, cantonales, communales ont subsidié ces travaux et l'Abbaye aussi a contribué aux dépenses avec un fonds. Autre travail d'envergure, qui a pris une dizaine d'années: la recherche dans les manuscrits. Avant l'an 1000 il y a eu un incendie par les Sarrasins et, depuis l'an 1000, nous avons conservé des manuscrits. On a pu numériser 700'000 pages de manuscrits, toutes écrites à la main. Et Là aussi, on a eu des subsides et l'apport d'étudiants pour le décryptage et l'informatisation. Au sein des différentes commissions, il y a eu le travail considérable d'une soixantaine de bénévoles. Et puis, troisième chantier: celui du trésor lui-même. On a créé un nouvel espace, cinq fois plus grand que l'espace antérieur. Durant cinq ans, on a restauré la plupart des pièces. Une trentaine d'entre elles a déjà pu être présentée au Louvres, entre mars et juin 2014. Et ça, c'est une belle vitrine pour nous: Cela nous assure une certaine renommée.
Nous voici bientôt en 2015. Des événements à signaler?
Nous aurons la messe de Minuit en eurovision, transmise de l'Abbaye de St-Maurice. Nous avons fait un film sur l'histoire de l'Abbaye. Il sera projeté dans les salles de cinéma. Au printemps, nous aurons un Oratorio composé tout exprès, chanté par le Trinity Choir College of Cambridge. Nous aurons toujours, comme d'habitude, le concert de la Passion. Pendant l'été, il y aura un théâtre de rue où nous tenterons de montrer les relations entre le monde politique et le monde religieux à travers les siècles.
Une rumeur circule selon laquelle le pape François pourrait venir à St-Maurice en 2015.....?
C'est vrai que le pape François a été invité officiellement. M. Didier Burkhalter nous a dit que cela l'intéresserait. Pour le moment, l'invitation est encore sur la table du pape. Au mois de février dernier, je lui ai demandé en italien si on le verrait à St-Maurice. Et il m'a répondu: "Vedremo" (on verra). Début décembre nous serons à Rome pour la visite ad limina. Ce sera l'occasion de lui en reparler.
Propos recueillis par Jean-Marc Elmer