Le diacre Jean-Claude Boillat, auteur, avec l'abbé François-Xavier Amherdt, de l'ouvrage intitulé "Web & Co et pastorale - Les NTIC et la transmission de la foi" / Elmer

Saint Paul serait sûrement sur facebook !

Le diacre Jean-Claude Boillat a écrit avec l'abbé François-Xavier Amherdt un ouvrage consacré à la question des "Nouvelles technologies de l'information et de la communication" (NTIC). Quel est leur impact sur la transmission de la foi?

Qu'est-ce qu'on entend par "nouvelles technologies de l'information et de la communication"?
Il y a le terme nouveau, le terme technologie, et puis encore information et communication. La communication, c'est chercher à s'informer les uns les autres, entrer en relation les uns avec les autres. Aujourd'hui, les techniques ont évolué par rapport au XIXe siècle, au XVIe siècle ou au IIe siècle après Jésus-Christ! En fait, les nouvelles technologies, ça correspond à ce qu'on appelle la téléphonie mobile, à tout ce qui concerne l'ordinateur et ses déploiements, cela veut dire aussi l'utilisation d'internet ou ces grands outils de communication que sont le Web et les E-mails. On vit dans une culture très technique où tous ces outils sont présents partout ! Ne serait-ce que le téléphone portable ; vous en avez un devant vous, la jeune fille dehors dans la rue en a un aussi... tout le monde, ou presque, possède aujourd'hui son téléphone portable.

Que ferait St-Paul s'il vivait au XXIe siècle ?
St-Paul adorait voyager, communiquer et proposer la Bonne Nouvelle à travers le monde; il écrivait beaucoup. Probablement qu'il enverrait des mails un peu partout ! Je suppose aussi qu'il utiliserait les moyens actuels qui sont proposés; il ferait des reportages vidéo pour une chaîne télévisée chrétienne ; il serait sûrement sur facebook, proposerait des événements d'une action humanitaire... A mon avis, il se déplacerait aussi et ne resterait pas uniquement derrière son ordinateur à tapoter des mails.

Quels sont les principaux changements que ces nouvelles technologies ont apportés dans le monde ?
Avec l'avènement de ces nouvelles technologies, on parle de la troisième grande révolution. Il y a eu d'abord l'imprimerie, puis l'invention du télégraphe et du téléphone, qui a permis la proximité de l'événement. La technique permet la communion des cœurs. Quant à la 3e révolution, c'est vraiment l'outil internet qui est une explosion de communication par les liens hypertextes. Quelques mots sur cette grande révolution? Avec internet, vous avez un réseau mondial qui est proposé et qui donne aux gens l'occasion de s'informer à travers une multitude de ponts, de toiles - le Web, c'est la toile - , permettant de communiquer une information en temps réel, au niveau mondial, à travers n'importe quel type d'information, que ce soit de l'actualité, que ce soit un dictionnaire, un livre ou encore un spectacle ou un extrait de film, etc. Donc on voit que cette révolution réunit tous les modes d'expression: texte, son et image vidéo, donc mouvement... Jamais, dans l'histoire des hommes, on n'a eu un récapitulatif de tous ces moyens d'expression : jamais ! Et cela au niveau mondial !

Et qu'en est-il des principaux changements pour l'Eglise ?
Une Eglise qui veut être présente au sein de ces nouvelles technologies va entrer dans le monde d'internet. Si je prends par exemple le cas d'un diocèse, elle va proposer un site internet où elle pourra montrer, par sa vitrine, les services et sacrements qui sont proposés. Comment procéder pour se marier, pour faire baptiser son enfant, etc. Quelqu'un confronté à un décès et n'ayant plus vraiment de lien avec l'Eglise pourra ainsi par exemple aller voir sur internet, sous l'Eglise catholique de sa région, ce qui est proposé aux paroissiens. Il pourra trouver l'adresse d'un prêtre, de quelqu'un qui va l'écouter ou trouver les infos utiles pour s'orienter. Le changement est aussi dans la manière d'informer les gens, de se rendre présents et de montrer qu'on est à leur service. La relation directe est là, mais comme on a de moins en moins d'agents pastoraux - heureusement qu'on a des bénévoles ! - ces nouvelles technologies peuvent être des moyens de donner des informations utiles et aussi d'accompagner les gens en tout temps et spécialement lors de moments cruciaux.

L'Eglise, et notamment l'Eglise catholique, est très ouverte à ces nouvelles technologies!
Oui. L'Eglise se soucie énormément de développer des centres d'accompagnement, d'information et de formation pour les agents pastoraux et les personnes du diocèse. On utilise les sites internet pour mieux communiquer. Quant aux courriels et à facebook, ils font partie de notre univers numérique quotidien.

Quelle est la moyenne d'âge des utilisateurs de facebook?
Vous seriez étonnée! Elle est actuellement de 45-50 ans. Cela a donc beaucoup évolué au niveau des âges. Ces nouvelles technologies sont donc des atouts, des chances.

Mais quels en sont les risques, les dérives possibles, les limites ?
Les limites sont assez faciles à constater autour de nous. Les limites, c'est l'omniprésence de ces moyens! Si vous avez un groupe d'amis dans un café, il est très probable que l'un d'eux se lève parce que son téléphone sonne, puis un autre, puis un 3e... Vous avez parfois même des téléphones qui sonnent en pleine messe. Donc, ça, c'est un problème. L'information technique est toujours là, ça sonne à tout moment. Deuxième problème aussi, à mon avis, c'est l'adaptation à ces nouvelles techniques. Il y a un tas de personnes qui sont à l'aise avec ça et d'autres pas du tout. Surtout la génération des 50-70 ans ; elles doivent s'y mettre, ce n'est pas évident et cela demande de la patience et de la persévérance pour se former. Ce n'est pas évident. Et puis, il y a aussi l'aspect financier, même si les prix ont beaucoup baissé ces dernières années. Mais cela représente quand même un risque énorme quand on voit des jeunes de 15-16 ans avec des factures de 500-600 francs par mois pour leur téléphone portable et divers achats sur le Net, donc on le voit, il y a des dérives faciles! Enfin, une autre dérive possible, c'est l'individualisation. On peut se retirer pour par exemple jouer au poker, se couper du reste du monde... C'est grave lorsque ces nouvelles technologies sont perçues comme les moyens d'éviter la relation directe.

Est-ce que l'être humain n'a pas un peu tendance à se prendre pour Dieu ? Voici trois ou quatre ans on a constaté que dans la monde les nouvelles technologies représentaient mille milliards de dollars d'investissement! C'est le premier investissement de la plupart des pays, avant le pétrole et l'investissement fait pour l'écologie. Cela veut dire que ce moyen offre aujourd'hui une puissance de communication énorme. Et pas seulement de communication, mais de manipulation aussi de l'information. On l'a vu en Tunisie, en Egypte... Avec ces nouveaux médias, vous renversez un pays ! On sent une volonté de développer ces nouvelles technologies, mais parfois peut-être pour exercer un pouvoir, une main mise sur le peuple et les personnes. Donc le risque, évidemment, de se prendre pour Dieu. Je ne pense pas que Dieu développe cette toute puissance- là, puisque c'est une puissance d'Amour. Mais se prendre pour celui qui gère tout, qui est à l'origine de tout, c'est un risque énorme, c'est vrai.

Est-ce que la communion passe forcément par la communication ?
Oui et non. Dans la vie de tous les jours, la communication passe par le corps. C'est le medium entre une personne et une autre personne. Aujourd'hui, ce medium est aussi un moyen, c'est-à-dire un téléphone portable, une webcam ou skype qui devient la prothèse de communication entre deux personnes. Là, on passe par une communication plus technique qui permet d'entrer en relation, de s'informer, de se former et de partager aussi des choses fortes. A ce moment-là, on sent que par le biais de ces nouvelles technologies, l'homme éprouve le besoin d'entrer en communion. Avec les gens qu'il aime, mais aussi avec - et c'est nouveau -la planète entière.

Ces nouvelles technologies, si je vous comprends bien, loin de nous déshumaniser, devraient nous rapprocher de l'humain ?
Entre l'idéal et la réalité, on sait que toute forme de moyen offre le tout et son contraire. On ne peut pas dire que les nouvelles technologies apportent quelque chose de néfaste ou de très bon. C'est plus nuancé. Il faut être prudent dans l'utilisation des nouvelles technologies. C'est tout le défi de l'Eglise. Elle comprend qu'elle doit entrer dans cette nouvelle culture, puisqu'on peut, effectivement, parler de nouvelle culture.

Propos recueillis par Christiane Elmer

"Web & Co et pastorale - Les NTIC et la transmission de la foi"
Par Jean-Claude Boillat et François-Xavier Amherdt.
Paru aux Editions Saint Augustin.

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