Abbé Patrick Werth / ldd

Si Dieu le veut !

Si Dieu le veut, j'aurai écrit cette méditation juste avant mes 60 ans et elle sera diffusée juste après. Si Dieu le veut, j'irai cet été avec Emmanuel en Tanzanie...

S'il y a une expression que j'utilise souvent, c'est bien celle-ci : Si Dieu le veut ! Mais parce que déjà quand j'étais diacre, elle faisait sursauter un confrère plus âgé, je sais qu'il est nécessaire d'expliquer ce qu'elle représente pour moi. C'est encore heureux que Dieu et les autres (sinon Dieu n'aurait pas de sens) occupent la place centrale dans la vie d'un prêtre. C'est donc surtout l'importance que je lui accorde que contient cette expression.
Dieu est pour moi le Tout-Proche et le Tout-Autre, le Compagnon de route et Celui qui interroge (mes intentions et mes actes), il est l'Exigeant et le Miséricordieux, il est le Connu et l'Inconnu, il est la Vie jusque dans la mort et au-delà. Cela ne dit toutefois pas assez comment je perçois la liberté de Dieu par rapport à moi/nous. J'ai toujours défendu la conception théologique selon laquelle Dieu donnait la liberté et l'accompagnait. Cela signifie qu'il la donne aussi à la nature à laquelle j'appartiens. Et j'ai compris que la nature m'utilise jusqu'au jour où, selon des critères qui nous échappent, elle désire se débarrasser de moi pour que je laisse la place à d'autres. Que les êtres vivants se défendent s'appelle l'instinct de survie. Le même qui nous permet de surmonter des évènements difficiles ou même parfois extrêmement durs.
" Si Dieu le veut ! " résume donc ma méditation sur mon état de créature tout à la fois libre et dépendante.

Ceci étant écrit, j'aimerais poursuivre la méditation sur un autre sujet : celui de la fascination. Tant qu'à savoir que je suis mortel, autant profiter de ce qui m'est donné. C'est la raison pour laquelle je marche souvent en souriant. Sourire à toute la beauté intérieure et extérieure que je rencontre chaque fois que j'y prête garde. Mais le sourire cache quelque chose de beaucoup plus profond. C'est ma fascination pour la vie. Car la vie ne s'arrête jamais. Je pense en premier lieu à la nature en général. Car quoi qu'il arrive, la nature va continuer. Avec ou sans l'homme. Je pense ensuite aux migrants de toujours et de partout qui décident de partir et de recommencer leur vie ailleurs. Aux couples qui prennent (et souvent reprennent) le risque de se lier. Aux parents qui écoutent leur pulsion de vie, qui donnent souvent tout en devant accepter que ce n'est pas toujours ni accepté ni reconnu. A ceux et celles qui osent créer une entreprise ou une œuvre. Aux hommes et aux femmes qui aident, parfois dans des conditions invraisemblables.

Cependant, je ne serais pas devenu prêtre si je ne faisais qu'admirer la réussite. Surtout quand je suis seul (et vu mon statut, cela m'arrive souvent), mon cœur me fait mal quand je pense aux hommes et aux femmes que la vie a brisés, à ceux et celles qui n'arrivent pas à se relever. Et il m'arrive de devenir intérieurement comme fou quand je pense à ce qu'on fait subir à certains. Là aussi, je dois me ressouvenir de ma condition humaine. Dieu me pousse sans cesse à aller vers plus de bien, mais je dois aussi accepter mes limites quantitatives et qualitatives. Et ce soir, au seuil de mes 60 ans, je lui rends infiniment grâce de ce qu'il m'a donné et lui demande de m'aider à rester le meilleur gérant possible de ce qu'il me confie.

Bonne entrée en Carême ! Car après le désert, c'est la célébration de Pâques, de la Résurrection, de la Vie.

Abbé Patrick Werth

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