Un Noël pas comme les autres

Il était une fois un texte qui commençait comme un conte. Mais n'en était pas un. Il était une fois un titre qui semblait annoncer une belle histoire de Noël, de celles qu'on raconte au coin du feu, mais ce n'était pas le cas. C'était juste une envie d'un Noël différent...

Chaque année on se dit: "ce Noël-ci, ça ne se passera pas comme ça!" Et on y croit. Oui, on croit qu'on va mieux planifier, ne plus commettre l'impair de placer tante Gertrude, à table, à côté de grand-père Sigismond...C'est plus prudent! Ne pas oublier, non plus, d'acheter plus de foie gras. Déjà qu'Isidore s'empiffre comme quatre. Tu crois que son père lui dirait quelque chose ? Isidore ? Oui, c'est aussi comme ça que le frère de mon neveu a baptisé son chat. Et ça n'a pas du tout plu à la mère d'Isidore. Ah zut! Mais que va manger Herbert? Celui qu'on ne peut évidemment pas faire asseoir à côté de tante Bertha... Quand je pense à ce qu'il a osé lui balancer, l'an passé, en plein apéro! Il va manger quoi, Herbert? Il est végétalien. Et myope comme une taupe. Il devrait forcer sur les carottes... Qu'est-ce qu'il n'est pas intéressant, celui-là! Mais, voilà. C'est la famille. Et la famille, c'est sacré. Surtout à Noël.

Non, c'est sûr: cette fois, on fera mieux. On évitera les risques de malentendus, les ennuis prévisibles - gros comme le nez de ma soeur Huguette au milieu de la figure - les manques de pain, les surabondances de douceurs (mais pourquoi cet abruti d'Ignace a-t-il AUSSI apporté du tiramisu ?) et les cadeaux qui jettent un froid au sein des familles composées, recomposées et décomposées. Ma belle-sœur préférée, par exemple, à peine remise d'un accident de la route, n'a pas du tout aimé recevoir deux cannes en ébène avec son nom gravé dessus. C'est ma drôle de cousine, Séraphine, qui lui a offert ça. Comme si elle avait une tronche à jouer les archanges... Bon, je sais... un séraphin, un chérubin, ça n'est pas un archange. Moi, j'ai toujours mieux aimé Régis, le mari de Séraphine. Avec lui, c'est parfait. Toujours d'accord sur tout, toujours content; des comme lui, il en faudrait plus dans les familles. Et, que je vous dise encore, le Noël passé, pour détendre l'atmosphère, j'ai dit à ma belle-sœur qui riait jaune avec ses cannes d'ébène: "eh bien, au moins, elles ne sont pas en sapin!". Séraphine était aux anges.
La pauvre...

Justement ! A propos d'anges, de trucs ailés qui font joli, je pense aux décorations de Noël, à aller rechercher au galetas. Cette année, ce sera top! La guirlande rouge, je la mettrai tout en haut. Conrad sera quitte de râler. Et les chocolats en forme de pive, suspendus au sapin, je les placerai plus loin des bougies... L'an dernier, ils ont fondu. Ont dégouliné sur les cadeaux de Fridolin. Qui était furieux. Comme on a ri ! Pas lui. C'est fou comme il faut toujours quelqu'un pour plomber l'ambiance ! Et quand ce n'est pas un vieux schnock, c'est un petit morveux... Est-ce que j'allais imaginer, moi, que les deux gamins de Cinzia et Oswald allaient dévorer en douce tous les desserts et passer le réveillon aux WC, verdâtres, hurleurs et nauséabonds de partout...Beurk!

Il était une fois une rédactrice qui n'avait pas envie d'écrire une méditation trop sérieuse. Qui n'avait d'ailleurs - à dire la vérité - (enfin, il était temps!) pas de famille nombreuse autour d'elle à Noël. Juste un mari et une maman. Amplement suffisant pour aimer, quand on n'a pas plus grand. Une rédactrice qui, en délirant ainsi, s'est demandé pourquoi tant de familles se déchirent à Noël, se querellent pour un rien, s'égratignent à plaisir, s'évertuant, semble-t-il, à tout faire pour éviter de penser à l'essentiel. Pourquoi le choix de l'arbre, des décorations, du menu, prennent-ils autant de place dans les têtes et, finalement, dans les cœurs? Pourquoi perd-on de vue, dans tout ce cirque et durant tout ce temps de l'Avent, que ce n'est pas le Réveillon de Noël qu'ardemment on attend? Que ce n'est pas à la fondue chinoise et à la bûche glacée qu'on se prépare, notre vie durant. C'est au Christ !
De quoi ou de qui d'autre serait-il question, avant, pendant et après l'Avent, sinon du Christ? C'est Lui qui devrait trôner au centre de nos préparatifs, de nos festivités, de nos retrouvailles heureuses, de nos tensions malheureuses, de nos tentatives de réconciliation.

Et ainsi vécurent-ils tous heureux jusqu'à la fin des temps.
Il était une fois un texte qui s'achevait comme un conte.
Mais en mieux.
Parce que c'était la Vie.

 

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